Art & Inspiration N° 2 - Summer-Fall / Ete-Automne2013 | Page 41

A&I : At which point in your life did you decide to be a writer?

AC : We are what we do, and one becomes a writer with time and hard work. But one has to start somewhere. I started writing my first manuscript, Meurs la faim (Dying of Hunger) when I was pregnant. That was in May 1997. I gave birth in February 1998 and my book was finished a few months later in April 1998. These dates are not important but it is just to show the time it took me to write. The text grew, as did the baby, and it was very impressive. Chapter after chapter, I made progress, and the baby would kick at the same time. Pregnancy and writing, yes, for a long time I confused the two.

A&I: What other links did you see between pregnancy and writing?

AC: Writing is like a leak, like water that escapes under the door. This is a way not to face reality. Because reality terrifies me. Except when I go exploring and when I personalize the outside. Most of the time, I find reality to be absurd and it makes so little sense to me that I need to avoid it.

A&I: What is your relationship with language and words?

AC: Despite being a writer, I always believed language to be a separation and a lie by its sparkle and the richness of its possibilities. Only sensations and perceptions are true. Universal, they never lie.

A&I: How would you describe sensory writing?

AC: I would describe it as the approach to the environment that would be more “sensory.” Colors and odors are the minimum to include. For example, the favorite color of homeless people is blue, a symbol of their dreams. My work is mainly to prioritize and organize the order, and the flow of sensations. Boris Vian said, “Everything that is not a perfume or a piece of music is childish.” Indeed, I work more with a writing that is slow rather than one that accelerates. Narration accelerates reading, and one can almost compare it to a writing of consumption, a writing that makes a story a page-turner, and this does not interest me at all. Only the reader needs a string to hold and hang on to throughout each page, and it is up to me to give this to him and to keep his head above water. And then from time to time, to push the reader a little bit elsewhere, under water, underground or in the clouds, so that he can see something else but without any malice.

A&I: With your characters, one really gets absorbed into the story in a very intimate way.

AC: That’s because I place the camera “inside” the character. Some people love this while others can’t stand it.

A&I : À quel moment avez-vous décidé d’être un écrivain ?

AC : On est ce qu’on fait, on devient écrivain par la force des années, et du travail. Mais il faut bien commencer un jour ou l’autre. Enceinte, j’ai commencé à écrire mon premier manuscrit, Meurs la faim. C’était en mai 1997. J’ai accouché en février 1998 et mon livre fut terminé plus tard, en avril 1998 aussi; quelques dates sans importance aucune mais juste pour montrer le temps que prend l’écriture. Le texte a grossi, grandi en même temps que le bébé, c’était très impressionnant. Chapitre après chapitre, j’avançais, tout en recevant des coups de pieds du bébé en même temps. Maternité et écriture, oui, j’ai longtemps confondu les deux.

A&I : Quels autres liens avez-vous vu entre la maternité et l’écriture ?

AC : L’écriture c’est comme une fuite, comme de l’eau qui coule sous la porte. Une façon de ne pas voir la réalité. Parce que la réalité me terrorise. Sauf quand je pars en explorateur où je m’approprie l’extérieur. La plupart du temps la réalité est tellement absurde, elle a tellement peu de sens, que j’ai besoin de l’éviter.

A&I : Quel est votre rapport avec le langage et les mots ?

AC : Malgré mon métier d’écrivain, j’ai toujours conçu le langage comme une séparation, un mensonge, par la rutilance, et la richesse de ses possibilités. Seules les sensations, les perceptions sont vraies. Universelles, elles ne mentent jamais.

A&I : Comment décrivez-vous l’écriture sensorielle?

AC : L’approche du milieu qui serait plutôt « sensorielle ». Couleurs et odeurs sont le minimum à inclure. Par exemple, la couleur préférée des gens de la rue, c’est le bleu, symbole de leurs rêves. Mon travail consiste surtout à hiérarchiser, organiser l’ordre et le flux des sensations. Boris Vian disait « tout ce qui n’est pas un parfum, ou une musique, c’est de l’enfantillage. » En effet, je travaille plus sur une écriture du ralenti que sur une écriture de l’accélération. La narration accélère la lecture, on pourrait presque la comparer à une écriture de consommation, une écriture qui amène à tourner les pages, cela ne m’intéresse pas du tout. Seulement le lecteur a besoin d’un fil pour tenir, pour s’accrocher au long des pages, et c’est à moi de le lui donner, lui maintenir la tête hors de l’eau. Puis de temps en temps, le pousser ailleurs, un petit coup, et hop sous l’eau, sous terre, ou dans les nuages, de façon à ce qu’il puisse percevoir autre chose, mais sans méchanceté aucune.

A&I : On rentre beaucoup dans l’histoire avec vos personnages, de façon très intime.

AC : C’est parce que je place la caméra « dans » le personnage. Certaines personnes adorent, d’autres ne peuvent le supporter.

"Only sensations and perceptions are true.

Universal, they never lie. "

"Seules les sensations, les perceptions sont vraies.

Universelles, elles ne mentent jamais. "

- Anne Calife