Art & Inspiration N° 2 - Summer-Fall / Ete-Automne2013 | Page 36

AUTHORS & ARCHETYPES / AUTEURS & ARCHÉTYPES

Art & Inspiration: In your books, the theme of falling is very powerful. In your opinion, how can this change the course of someone’s life?

Anne Calife: Each person draws his or her own life path, and those who get a shock will certainly have another path. All of my characters try to get out of that, and it’s what they have in common with each other. Another symbol is that of the wall. What interests me in a path is also the rebound. I picture a ball here and it hits a wall. The harder it hits the wall, the more it will bounce back. This is a very interesting image for me, and it is the reason why I went to see the wall in Western Sahara in February 2012.

A&I: You wrote a text about this experience in the Sahara, S’il y a un mur (If There is a Wall). Here is an extract for our readers: “I know this pattern that repeats itself throughout history: walls, territories, borders. One could say that it will never stop…Generation after generation, conflict upon conflict, death upon death, the earth torn by two opposing sides and becomes a poor piece of cloth, torn and then ripped apart, already in shreds…We forget too quickly that on this earth there are children, women and men who live and survive, naked and shivering, with only this earth of rags and tatters as their shelter. That nobody wants to mend.”

That must have been very upsetting to see such a wall…

AC: Yes, and it was a giant symbol of more than three thousand kilometers in length. In 2003, I went to see another wall that of Palestine between Israel and the West Bank, and I wanted to see it just before the barrier closed for good.

A&I: And to have chosen an experience with homeless people for one year is very powerful also. What triggered this desire?

AC : When we walk, we are vertical ; those on the streets are laying down and symbolically horizontal. Ever since I was a child, I could not stand the indifference of those who were “vertical” towards those who were “horizontal.” And I would go and sit down next to the bum on the street. With age, this notion grew, organized itself and took shape creatively, and I understood.

A&I : How were you able to approach the homeless ? I read in your book Conte d’asphalte (Street Tale ) that they don’t like volunteers that much.

AC : Helping someone is very pretentious, and how can someone dare say, “I am going to help you.” How can we help someone that we don’t know?

A&I: That’s true, seen from that angle…

AC: I was completely lost when I was on the streets, and I begged, “Help me. I am a writer and I am writing about life on the streets.” The streets welcomed me even better when I reversed the process of human relationships: I was the one who needed them, and not the other way around. Because I reversed the relationship, they came out of nowhere to help me. In my way of being with them, there were no codes, and it could lead to an exchange of a few words or a conversation asting several hours.

A&I : Which meeting had moved you the most ?

AC : Papillon (“Butterfly”), a woman in her forties who lived on the

Art & Inspiration: Dans vos romans, le thème de la chute est très puissant. A votre avis, comment cela peut changer la vie de quelqu’un ?

Anne Calife : Chaque personne dessine sa propre trajectoire de vie, et celui qui aura reçu un choc a nécessairement une autre trajectoire. Mes personnages, tous, tentent de s’en sortir. Voilà peut être le point commun.

Un autre symbole, c’est celui du mur. Ce qui m’intéresse dans une trajectoire, c’est aussi le rebond. Là, je vois carrément une balle et elle va percuter un mur. Plus elle tape fort, et plus elle rebondit. Cela me paraît une figure très intéressante, la raison pour laquelle je me suis rendue en février 2012 au mur du Sahara occidental.

A&I : Vous avez écrit un texte sur cette expérience au Sahara, dans S’il y a un mur. Je partage un extrait avec nos lecteurs : « Je connais, ce schéma que répète l’histoire : murs, territoires, frontières. On dirait que cela ne cessera jamais…Génération après génération, conflit sur conflit, mort après mort, la terre arrachée par deux camps adverses se transforme en pauvre morceau de tissu, terre déchirée, puis déchiquetée, déjà en lambeaux….On oublie trop vite que sur cette terre, vivent, survivent, des enfants, des femmes, des hommes, nus et grelottants, avec pour seul abris, cette terre de chiffons et de haillons. Que personne ne veut plus

raccommoder. »

Ça devait être très bouleversant de voir un tel mur…

AC : Oui, en tant que symbole géant, long de plus de trois mille kilomètres. En 2003, je suis allée voir un autre mur, celui de la Palestine entre l’Israël et la Cisjordanie, je voulais le voir juste avant sa fermeture définitive.

A&I : Et d’avoir choisi une expérience avec les sans-abris pendant un an, c’est très puissant aussi. Qu’est-ce qui a déclenché cette envie ?

AC : Quand on marche, on est vertical ; ceux de la rue sont allongés et horizontaux symboliquement. Depuis toute petite, je ne supporte pas l’indifférence du « vertical » vis-à-vis de

« l’horizontal ». Et j’allais m’asseoir à côté du clochard dans (à la rue c'est une expression québécoise mais ne se dit pas en français)la rue. Vous savez, il y a des choses que l’on sent quand on est petit. Avec l’âge, cela grandit, s’organise et prend forme, artistiquement, j’entends.

A&I : Comment avez-vous fait pour aborder les sans-abris ? J’ai lu dans votre livre qu’ils n’aimaient pas trop les bénévoles.

AC : Aider quelqu’un c’est très prétentieux, comment oser dire,

« Moi, je vais t’aider ». Comment peut-on aider quelqu’un que l’on ne connaît pas ?

A&I : C’est très juste, vu de cette façon là…

AC: Dans la rue, j’étais complètement perdue, et je suppliais :

« Aidez-moi. Je suis un écrivain et j’écris sur la rue.» La rue m’accueillait d’autant mieux que j’inversais le processus de rapport humain : c’est moi qui avais besoin d’eux, non l’inverse. »

Puisque j’inversais la relation, je les tirais du néant. Dans ma façon d’être avec eux, je n’avais rien de codifié, cela pouvait déboucher sur un échange de quelques secondes, ou plusieurs heures.

A&I : Quel rencontre vous a le plus touché ?

AC : Papillon, une femme à la rue, d’une quarantaine d’année,

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