Parmi les moments forts: la rencontre avec les treize akharas, ces ordres monastiques hindous censés posséder un immense pouvoir spirituel – comme les kinnar akhara, représentant la communauté transgenre, ou encore les naga akharas, ascètes nus parés de dreadlocks et couverts de cendres, figures fascinantes du renoncement absolu. On me parle des aghoris, qui repoussent les limites de l’ ascèse en utilisant des crânes humains comme ustensiles et en consommant de la chair humaine de manière ritualisée … Une pratique non pas cannibale, mais censée conduire à l’ élévation spirituelle en affrontant la peur ultime: celle de la mort et de la décomposition.
Je m’ étais promis de tout vivre, sauf un bain dans le Gange. Déchets toxiques, matières fécales, bactéries nocives, eaux usées... C’ est l’ un des fleuves les plus pollués au monde. Impossible. Pourtant, un jour plus tard, à l’ aube, j’ embarquais sur un bateau pour le Triveni Sangam, le confluent de trois rivières sacrées( Gange, Yamuna et Saraswati). Et personne n’ a eu à me convaincre de m’ immerger quatorze fois dans l’ eau. La croyance veut qu’ un bain dans ces eaux sacrées nettoie les couches d’ innombrables vies, brise les chaînes du karma et permet la moksha – la libération ultime du cycle des naissances et des renaissances. L’ eau était froide, comme un bain de glace, et j’ en suis ressortie avec le sentiment d’ être une personne neuve. Je n’ ai pas d’ explication rationnelle!
Aparté
Du 13 janvier au 26 février 2025, plus de 400 millions de fidèles se sont rassemblés à Prayagraj pour célébrer un moment cosmique rare. Car cette année est marquée par une conjonction astrale exceptionnelle, un rendez-vous qui ne se produit qu’ une fois tous les 144 ans. Plutôt que d’ essayer d’ appréhender ces chiffres vertigineux, je me suis plongée au cœur de l’ expérience.
Les jours suivants se sont écoulés dans l’ ashram de Parmarth Niketan, au rythme de méditations profondes. Au coucher du soleil, nous nous réunissions au bord du fleuve pour l’ aarti – cette cérémonie où des lampes à huile en forme de serpent sont enflammées avant de circuler au sein de la foule qui chante. Malgré un risque évident, aucun cheveux n’ a pris feu. Et, malgré un risque tout aussi évident, je suis parvenue à retrouver mes chaussures parmi des milliers d’ autres, retirées pour la prière. Un rassemblement d’ une telle ampleur, colossal, inimaginable, ne serait-il possible que dans un pays comme l’ Inde?
À bien des égards, l’ Inde est un pays synonyme de dualité. Elle possède une force magnétique et unificatrice qui, depuis des siècles, attire les gens du monde entier. On y est « appelé ». Et quand l’ Inde vous appelle, il n’ y a qu’ une chose à faire: lui répondre.
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