Acte de colloque : La pierre, un choix sociétal | Page 112

Emploi
Je voulais faire un commentaire sur l ’ attractivité des métiers . C ’ est un sujet qui m ’ intéresse beaucoup , en ce moment . Je crois que les charpentiers , menuisiers et tailleurs de pierre ont aujourd ’ hui une belle attractivité . Les amis charpentiers ont plus de facilité à embaucher que d ’ autres métiers du bâtiment ( plaquistes ou peintres ), car il y a un côté valorisant , beaux ouvrages , et travailler une belle filière .
La couverture : je l ’ ai découverte sur le projet de la maison , avec une belle toiture en alu à joint debout . Je n ’ avais jamais fait cela . Je crois que c ’ est plus épanouissant que de poser de la membrane d ’ étanchéité sur polyuréthane . C ’ est peut-être aussi à nous de dessiner des choses valorisantes comme celle-là . Il y a du beau travail à faire . On a travaillé une boîte à eau à façon , avec un pliage . Ce n ’ était pas plus cher . C ’ était un plaisir pour eux de faire cela .
Par ailleurs , les métiers qui souffrent un peu sont les métiers en amont de la filière , par exemple la pierre en carrière . Dans la filière bois , ce sont les scieurs . Pourtant , ils ont un métier essentiel , qui demande beaucoup de savoir-faire , d ’ observation , pour voir une matière arriver , la sélectionner , savoir comment on va la débiter et en extraire le maximum de belles matières à ouvrage .
Quand on finit un bâtiment , qu ’ on le prend en photo , on essaie de communiquer ces photos aussi à la scierie ou à la carrière , pour qu ’ ils puissent aussi communiquer dessus , ou ne serait-ce que le montrer à leurs ouvriers qui ont extrait ces blocs : « regardez ce que l ’ on a fait avec cela ». Parfois , ils ne savent pas ce qui est produit . Ce sont des ouvrages qualitatifs .
Il faut communiquer davantage , depuis le tout début de la filière jusqu ’ aux ouvrages terminés .
M . Cordier .
Par rapport à la charpente , si vous suivez le chantier de Notre-Dame , on a beaucoup parlé des charpentiers . En ce moment , il y a aussi des couvreurs , mais on en entend beaucoup moins parler .
Il y a réellement un manque d ’ information sur le métier de couvreur . Si vous vous baladez autour de la cathédrale — je le fais beaucoup —, il y a une grande affiche avec certains métiers . Il y a le métier de charpentier , mais pas le métier de couvreur . la plupart du temps , est fait par d ’ autres corps de métier . 70 % de nos toitures sont en tuiles à emboîtement . On n ’ a pas un métier où l ’ on met en valeur notre savoir-faire et notre métier .
Aujourd ’ hui , il faut que l ’ on se batte pour cela . Nous en sommes les principaux acteurs . C ’ est à nous de le faire , d ’ aller défendre notre métier en disant : « vous n ’ allez pas faire appel à un charpentier , car on va vous faire cette toiture-là , avec ce complexe d ’ isolant-là , parce que c ’ est notre métier , que l ’ on connaît ».
M . Bidaud .
Ce n ’ est pas vraiment une question , mais un commentaire . Je crois que ce n ’ est pas la faute des métiers d ’ être totalement invisibles . De toute façon , nos métiers sont invisibles . Ils sont maintenant derrière de grandes planches de bois . On ne les voit plus . Les enfants n ’ ont plus ces contacts qu ’ ils avaient dans les rues , en voyant ce qu ’ il se passait dans les rues et comment les choses se faisaient . C ’ est beaucoup plus gros que nous . Je ne pense pas que l ’ on peut pointer du doigt la responsabilité de certains métiers . La déconnexion de la fabrication des choses est telle que nous avons des enfants qui ne savent plus vraiment d ’ où les choses viennent . Malheureusement , cette incompréhension de la façon dont les choses sont faites entraîne une perte de valeur de ces choses . Une fois que les enfants ont fait ces merveilleux objets pendant ces sessions , ils se rendent compte de l ’ effort qu ’ il y a derrière les choses et de la valeur qu ’ il y a derrière ces choses .

Je n ’ ai jamais été aussi sportif que lorsque j ’ étais tailleur de pierre à 25 ans .

C ’ est beaucoup plus gros que les Compagnons du Devoir . C ’ est plutôt un problème de société , plutôt qu ’ autre chose .
Tout à l ’ heure , je me suis fait la réflexion : au début , dans votre présentation — ce n ’ est pas une critique —, vous vous êtes arrêté à la charpente . Après , vous êtes revenu à la couverture , mais la première fois , vous vous êtes arrêté à la charpente . Le métier de couvreur ,
Il faut aussi assumer que nos métiers sont très mauvais sur la promotion . On entend que ce sont des métiers durs , physiquement . Il y a un aspect sportif que l ’ on développe rarement . Je n ’ ai jamais été aussi sportif que lorsque j ’ étais tailleur de pierre à 25 ans . J ’ étais maigre comme
112 COLLOQUE - LA PIERRE , UN CHOIX SOCIÉTAL