24hautrot_25_03_21 | LE RÊVE ACCESSIBLE

7 24H LE MAG

EDITORIAL

LE RÊVE ACCESSIBLE

SÉBASTIEN POUTEAU

e rêve est le compagnon de tout homme et toute femme de chevaux de courses. Il est la composante à la fois irrationnelle et stimulante de tout éleveur à la naissance d'un poulain, de tout propriétaire à l'achat d'un cheval, quel que soit le mode d'acquisition et son montant, de tout metteur au point à l'issue d'une séance d'entraînement, de tout jeune apprenti qui regarde son modèle en se promettant qu'un jour il sera à sa place, de tout lad qui s'occupe de son "champion". À chacun son rêve. Mais tous partagent cette même quête, ce ressort pas toujours identi able mais sans lequel rien ne serait tout à fait pareil. Bien sûr, il arrive plus souvent qu'à son tour que ce rêve se brise sur l'autel de la réalité, celui de la performance en l'occurrence. Comme dans tout sport, il n' y a qu'un seul gagnant par course. Pour autant, les exemples ne manquent pas pour montrer que le rêve est accessible et est un moteur. L'exemple récent d' Emeraude de Bais (Repeat Love), qui, à 11 ans, a remporté le premier Groupe 1 de sa carrière dans le Grand Critérium de Vitesse de la Côte d'Azur à Cagnes-sur- Mer, est une ode à cela. Elle constitue un nouveau chapitre de l'histoire des courses, au trot comme en plat et en obstacle, en accédant au Graal après être passée par la case "réclamer ". Pour 1.501 € au-dessus du taux de réclamation xé à 22.000 - un taux conséquent dans les réclamers au trot -, Franck Nivard et son associé Hervé Carlus sont devenus un soir de décembre 2019 les propriétaires d'une jument qui va marquer leur vie d'hommes de chevaux. Le rêve est ici poussé à son paroxysme. Mais il peut aussi prendre la forme d'un premier achat à un coût abordable pour mettre le pied dans un monde que l'on décrit trop souvent comme étant trop refermé sur lui-même. Le marché des réclamers est du "clé en main" qui peut prendre bien des formes et est l'une des composantes de l'activité économique de la lière. C'est tous ces sujets qui sont abordés dans le dossier de ce 24h le Mag #10. De rêve, il en est évidemment question avec la saison d'élevage. Durant cette période, nous lançons une série qui se propose de présenter les plans de monte des éleveurs et éleveuses qui ont été gagnant(e)s de Groupe 1 en 2024. La famille Mary est la première à se prêter à l'exercice avec son cheptel d'une douzaine de poulinières dans lequel Balginette (Hasting ), la mère de Go On Boy (Password) et Josh Power (Offshore Dream), tient évidemment une place à part. Exceptionnelle, la poulinière des Mary et sa production n'en restent pas moins un rêve accessible, ce que rappelle d'ailleurs régulièrement Pierre-Emmanuel Mary en disant que c'était à la portée de tout le monde. Il faut quand même ajouter qu'il avait des convictions quand il l'a achetée à la famille Ledoyen, à commencer par le fait qu'à ses yeux, elle appartient à l'une des meilleures souches du stud-book du Trotteur Français, celle de Muragla (Ura), l'une des matrones de l'élevage Besnard. Du rêve donc et une bonne dose de savoir aussi...

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8 24H LE MAG LE DOSSIER

©Scoopdyga

LES COURSES À RÉCLAMER, VIVIER DE BELLES HISTOIRES

Emeraude de Bais

La femelle la plus rapide d'Europe, chronométrée en 1’08’’3 au kilomètre, sur le mile de la Côte d’Azur, en 2024, est issue des courses à réclamer, ces épreuves pour chevaux à vendre qui, à la différence des ventes dédiées aux yearlings, par exemple, ne sont pas censées receler de potentiels champions. Et, pourtant, Emeraude de Bais vient de s’imposer dans un Groupe 1, à 11 ans, et ses gains dépassent maintenant, largement, le million d’euros… Fantastique destinée, qui n’est pas la première du genre, mais demeure la plus aboutie.

Mais, par la suite, plus rien, ou presque, sinon une pluie de disquali cations. Emeraude de Bais reste, d’ailleurs, sur cinq "Da", lorsqu ’elle dispute le "selling" ci-dessus évoqué et elle va en enregistrer un sixième. Drivant lui-même dans la course, Franck Nivard la repère, cependant, et met un bulletin à 23.501 euros, qui lui permet d’en prendre possession. Le professionnel normand expliquera, en substance : " Elle m’avait tapé dans l’œil , car elle nous avait doublés en bolide, à hauteur des tribunes , allant deux fois plus vite que nous . A l’entrée de la ligne droite, elle avait course gagnée, mais elle avait galopé. Elle avait un problème d’allures , parce qu’elle souffrait."

’histoire d’ Emeraude De Bais mérite d’être rappelée dans le détail. Pour son actuel entourage, elle commence le 6 décembre 2019, sur l’hippodrome de Vincennes, où la jument, alors âgée de 5 ans, est présentée, pour la première fois de sa carrière, dans une course à réclamer, au taux de 22.000 euros. Elle a un pro l susceptible d’attirer l’attention, dans la mesure où elle a montré de la qualité à 3 ans, signant trois victoires à Paris, puis a eu des ambitions semi-classiques à 4 ans.

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� ELLE M’AVAIT TAPÉ DANS L’ŒIL , CAR ELLE NOUS AVAIT DOUBLÉS EN BOLIDE, À HAUTEUR DES TRIBUNES, ALLANT DEUX FOIS PLUS VITE QUE NOUS. (FRANCK NIVARD, À PROPOS D’EMERAUDE DE BAIS, LE JOUR OÙ IL L’A RÉCLAMÉE) �

� LA FEMELLE LA PLUS RAPIDE D'EUROPE, CHRONOMÉTRÉE EN 1’08’’3 AU KILOMÈTRE EST ISSUE DES COURSES À RÉCLAMER �

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