10 compagnons réflexion
Concernant les énergies renouvelables , plusieurs pays ont soulevé l ’ idée de placer des panneaux solaires sur le toit des entreprises afin de couvrir en partie les besoins électriques . Mais au moins autant ont souligné que ceci serait une « fausse bonne idée », la fabrication et le recyclage des panneaux étant eux-mêmes polluants . « Le problème restera sans doute toujours inexpugnable tant qu ’ il n ’ existera pas un moyen propre de produire suffisamment d ’ électricité , et surtout de la stocker , afin d ’ arrêter cette surproduction constante due aux besoins fluctuants mais devant impérativement être satisfaits » ( équipe de Coubertin ).
Enfin , les pays sont nombreux à pointer du doigt les produits chimiques qui en avaient déjà pris pour leur grade quant à leur recyclage , mais qui cette fois sont décriés à cause de leur nocivité . De plus en plus d ’ entreprises se tournent vers les produits en phase aqueuse , plus propres , sachant cependant qu ’ ils n ’ ont pas la même efficacité que des produits contenant des solvants , ce qui peut expliquer que nombre d ’ entreprises continuent de les employer . Si leur recyclage et leur nettoyage sont faits de façon responsable afin d ’ éviter qu ’ ils se retrouvent dans les sols et les rivières , cela reste acceptable pour beaucoup . Durant leur utilisation , les équipements de protection générale ( sas , aspiration …) et personnelle doivent être exploités avec la plus grande rigueur par les ouvriers . Comment y parvenir ? Étonnamment , bien que cela transparaisse dans les discours des pays , bien peu ont écrit noir sur blanc le mot « éducation ». Pour certains , c ’ est à l ’ entreprise « d ’ éduquer » ses ouvriers . Pour d ’ autres , il convient d ’ éduquer les entreprises afin qu ’ elles forment ensuite leur personnel . Le chemin inverse n ’ est-il pas possible ? À savoir , dès l ’ apprentissage , enseigner aux futurs professionnels l ’ importance des protections pour eux-mêmes , les autres et la planète , afin qu ’ une nouvelle génération ouvrière soit à même de faire évoluer les mœurs .
L ’ INNOVATION TECHNOLOGIQUE La technologie est-elle au service du métier ou celui-ci doit-il s ’ adapter à elle ? Comment former les ouvriers de demain ? Les méthodes vont-elles radicalement changer ?
Comme les pays l ’ ont souligné , la technologie sert aujourd ’ hui le métier en permettant de produire plus vite pour des coûts de main-d ’ œuvre moindres , puisque l ’ ouvrier est remplacé par une machine aussi efficace et plus rapide . Machine dont on amortit vite l ’ investissement , alors qu ’ il faut rémunérer un ouvrier tous les mois et souvent de mieux en mieux , alors qu ’ il gagnera en compétence grâce à des formations rarement gratuites . L ’ on peut aisément comprendre l ’ utilité de ces engins pour des tâches ingrates , physiquement dures , voire à risques . D ’ un point de vue purement pécuniaire et sécuritaire , la technologie « sert » le métier …
JE NE DOUTE PAS QU ’ UN JOUR NOUS SOYONS CAPABLES DE PRODUIRE DES MACHINES TRAVAILLANT AUSSI QUALITATIVEMENT QU ’ UN COMPAGNON AGUERRI …
« La sécurité et le bien-être des ouvriers ont beaucoup progressé depuis une vingtaine d ’ années . […] Le confort physique a aussi évolué : moyens de levage , robotisation , poids de conditionnement des matériaux , prise de conscience des TMS et adaptation des postes de travail , renforcement de la sécurité sur les machines-outils » ( équipe de Trégueux ). Toutefois , les pays remarquent également que le métier s ’ adapte à la technologie , dans le sens où de nouvelles techniques et machines sont inventées pour remplacer d ’ anciennes .
D ’ aucuns diront que l ’ on perd un savoirfaire ancestral et d ’ autres argueront que ce n ’ est qu ’ une évolution naturelle . Qui a tort , qui a raison ? Ce débat me rappelle toujours l ’ histoire racontée par un ancien alors que j ’ étais jeune Aspirant . L ’ entreprise où il travaillait comme apprenti venait de se munir d ’ une des premières dégauchisseuses . À cette vision , nombre de corroyeurs , de dépit et de colère , abandonnèrent là leur varlope . En moimême , je me suis dit que je ne saurais faire sans dégauchisseuse . Je me vois mal actuellement retourner à une table à dessin alors que des logiciels font très bien le travail . Cependant , j ’ approuve ceux qui avanceront qu ’ avoir une logique de travail à la main profite grandement à l ’ utilisation d ’ un logiciel . Certains des pays pensent que nous sommes à une période charnière du métier : si les machines prennent une grande place dans notre façon de faire , elles n ’ ont toujours pas l ’ œil avisé et le geste adéquat du professionnel .
D ’ autant plus que « cet investissement , bien que rentable à une certaine échelle , n ’ est pas la solution pour toutes les entreprises ( un ouvrier seul par exemple ) dont la clientèle ne recherche pas un produit générique peu cher mais est prête à mettre le prix pour du sur-mesure » ( équipe de Paris ). Mais « l ’ évolution du métier mènera sûrement à un point où l ’ on ne pourra plus toucher , travailler la matière comme avant et encore un peu de nos jours . Il serait même très probable qu ’ à force de vouloir toujours des machines plus sophistiquées , le menuisier ne devienne demain qu ’ un opérateur machines vérifiant que la machine fasse le travail demandé et appuie sur des boutons pour lancer un programme » ( équipe de Rennes ). Je ne doute pas qu ’ un jour nous soyons capables de produire des machines travaillant aussi qualitativement qu ’ un Compagnon aguerri …
L ' équipe de Labbeville propose une alternative intéressante : « l ’ évolution technologique ne doit pas être forcée , mais consentie par les personnes impliquées . Par exemple un ouvrier qui veut travailler du massif avec une méthode traditionnelle ne va pas forcément être plus performant avec une commande numérique , car il n ’ aura pas la volonté de l ’ utiliser . […] il y a des personnes qui au contraire s ’ éclatent plus avec des machines numériques , plutôt qu ’ à la main . […] il faut que la technologie puisse rester un libre choix . […] Elle se présente à nous comme une option , mais devient très rapidement une obligation , puisqu ’ elle rentre dans le quotidien de tous , qu ’ elle répond au problème de rentabilité , de sécurité , de réussite , de progrès . Et là où ça commence à faire peur c ’ est quand elle remplace l ’ homme . […] Et que nous n ’ avons plus le choix que de l ’ utiliser , de se former pour tenter de la dompter . C ’ est alors […] que nous ne sommes plus des hommes libres .
# 297 / Juin 2020