Danuta Głuc
I. Lisez le texte :
Le Monde, éditorial
Grâce pour Bové !
C’est une lourde sanction que la justice vient d’infliger à José Bové pour le saccage de culture
transgéniques, en 1998 à Nérac, où il avait détruit, avec deux autres syndicalistes de la Confédération
paysanne, des sacs de maïs appartenant au semencier suisse Novartis, puis en 1999 à Monpellier où,
avec deux autres militants, il s’était attaqué à des plants de riz cultivés par un organisme de recherche,
le Cirad. En rejetant son pouvoir, la Cour de cassation a confirmé la peine de six mois de prison ferme
à laquelle il avait été condamné en appel, le 20 décembre 2001, pour cette dernière affaire et effacé du
même coup le sursis dont était assortie la peine de huit mois prononcée contre lui, le 18 février 1998,
pour la première affaire. Sauf grâce présidentielle, le dirigeant de la Confédération paysanne devra
donc passer, au total, quatorze mois derrière les barreaux pour les deux opérations de « destruction »
et « dégradation » du bien d’autrui qu’il a menées au nom de son combat contre les OGM.
Sans doute peut-on considérer que José Bové n’a que ce qu’il mérite. D’abord parce qu’il a
pris le risque de faire appel d’un jugement qui, en première instance, ne le condamnait qu’à une peine
avec sursis. Ensuite et surtout parce qu’il a choisi délibérément cette stratégie de la provocation, qu’il
qualifie de « désobéissance civile » ou de « non-violence active » justifiée, selon lui, par « l’état de
nécessité » : en violant la loi, il s’expose à être puni et fait même de cette posture son principal outil
de propagande.
Pourtant, il est clair que José Bové n’est pas un délinquant comme les autres. Il agit en militant
politique, au service d’une cause, qu’il défend à sa manière, et il serait normal qu’il soit jugé comme
tel. De ce point de vue, la peine qu’il s’apprête à subir est, à l’évidence, excessive. On peut être en
désaccord à la fois avec ses idées et avec ses méthodes, mais on ne peut admettre que les motivations
de son combat soient ignorées ou négligées par la justice lorsque celle-ci est appelée à statuer sur son
sort. La tactique de la Confédération paysanne, a expliqué son avocat, consiste à ne jamais porter
atteinte aux personnes, mais autorise, dans certains cas, à « attenter aux biens ». L’indulgence des
tribunaux peut se justifier face à un acte qui n’est pas individuel, mais relève de l’action collective
syndicale. Envoyer un responsable syndical en prison pour la mise en scène, fût-elle condamnable, de
ses idées ne ferait qu’alourdir inutilement le climat social en France. D’autant plus que l’indulgence
pénale, voire l’absence de poursuites, semble la règle pour les violences commises par d’autres forces
paysannes, qui, à la différence de la Confédération, sont marquées à droite.
Le paradoxe est que la seule issue acceptable passe désormais par la grâce du président de la
République, que sollicitent José Bové et plusieurs organisations politiques ou syndicales. Cette
demande de grâce témoigne bien que l’impasse dans laquelle José Bové et ses amis se sont engagés,
au point d’être désormais dépendants de Jacques Chirac. Mais y compris par leurs actions
provocatrices, ils ont su susciter une vaste réflexion sur des questions graves, des OGM à la
« malbouffe ». Une réflexion qui devra désormais prendre d’autres formes.
jeudi 21 novembre 2002
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