MUSIQUE
INTERVIEW
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THE BUTTSHAKERS FUREUR DOUCE
Enfin l ’ album de la consécration pour ce groupe qui mixe pure soul et rock endiablé , à l ’ image de sa chanteuse Ciara Thompson que nous sommes allés déranger chez elle aux States . Un entretien qui nous a amené à parler autant musique que politique ...
Tes origines et celle du groupe ? J ’ ai grandi à St Louis et faisait partie de la chorale de l ’ église depuis toute petite . Mais ici il y a cinq « Beyoncé » par church qui chantent super bien donc je ne me voyais pas en faire mon métier ... Puis des études qui m ’ ont emmené en France en 2007 à Lyon . J ’ y ai rencontré les membres des Buttshakers , un groupe de potes qui faisait des reprises de musique garage des années 60 et qui cherchait un chanteur . Notre bassiste Vincent Girard est arrivé en 2009 puis Sylvain Lorens à la guitare et Josselin Soutrenon à la batterie en 2011 . Nous quatre , c ’ est le noyau dur .
Tes influences : Betty Davis , Janis Joplin , Tina Turner pour la voix , la Motown et Stax pour la musique ? Exact ! Après je suis plus Stax que Motown , je trouve ça plus roots , plus sec . Quand tu vois les premières vidéos d ’ Otis Redding sur scène , tu hallucines pour l ’ époque . À la maison , on écoutait beaucoup de gospel et on était aussi bercé par la country des années 60 à la Johnny Cash . Mais ma première vibe musicale , c ’ était la musique classique , Vivaldi ...
Et le punk dans tout ça ? Ça , c ’ est mon truc ! Mes parents très croyants m ’ envoyaient tous les étés dans une colonie de vacances chrétienne , un truc très punk donc ( rire ) ! On écoutait que de la guitare acoustique et du Kumbaya . Et à 14 ans , j ’ ai entendu The Cramps qui sortait de la cuisine et je me suis dis : " ouah , c ’ est quoi ce truc ?". Je suis allé voir un groupe de punk quelques mois plus tard : des gars qui ne ressemblaient à rien et qui n ’ avaient pas beaucoup de talent non plus ( rire ) ! Je me suis dit , si eux ils le font , moi aussi je peux le faire !
On te présente souvent comme une Riot Girl , cette appellation te convient-elle ? Oui , carrément ! Être féministe aux États-Unis , c ’ était mal vu pendant longtemps . C ’ est pourquoi ce mouvement a commencé très fort , plein de " testostérone ". C ’ était pour dire : nous aussi on aime cette musique et on existe , définir notre identité punk mais au féminin .
Votre dernier LP Sweet Rewards est par ailleurs moins punk que vos autres albums . Oui , c ’ est plus soul classique . À la base , on était plutôt garage , j ’ avais du mal à assumer que je faisais de la soul . Là , on a voulu vraiment prendre notre temps , faire des choses plus léchées , plus douces . Après j ’ ai un autre groupe postpunk , Malaïse ...
L ’ accueil du public ? Très bon . On est passé d ’ un petit label d ’ Hambourg où on faisait un peu ce que l ’ on voulait mais où on avait l ’ impression de passer à la trappe par manque de diffusion . Underdog Records , c ’ est autre chose avec une vraie visibilité et crédibilité , un super label avec de supers groupes . Du coup c ’ est très motivant pour nous , quand tu y vois Otis Stacks ou autres , tu te dis : faut bosser les gars ( rire ) !
Le clip de In The City a été tourné dans ta ville natale St Louis après la mort de Michael Brown ( jeune de 18 ans abattu par un policier en 2014 ), quelle a été la réaction des locaux ? Assez mitigée . J ’ ai été assez surprise qu ’ Underdog veuille mettre ce titre en avant , avec une vraie prise de parole qui n ’ est pas très populaire . On voulait montrer un aspect positif des gens de cette ville quand même très violente avec de la pauvreté , du chômage . Les habitants en ont marre de cette image dans les médias . Comme je suis métisse , mes amis et ma famille noire ont eu une super réaction , mais ma famille blanche ... Ma mère n ’ a toujours pas vu le clip , elle a votée Trump . Son élection a eu des effets catastrophiques sur les rapports humains , certaines personnes ne se parlent plus .
Comment vis-tu cette élection ? Quand je me suis réveillée ce jour-là , je n ’ y croyais pas . Beaucoup disent que c ’ est un mal pour un bien : avec Obama on a cru que tout était ok . Et là , on voit que rien n ’ est réglé , les problèmes raciaux , l ’ emploi ... Cela va être de pire en pire mais ça pousse les gens à réagir , participer . Il n ’ y a jamais eu autant de manifs , certains mouvements ici n ’ auraient jamais existé sans Trump .
Le titre What You Say parle de l ’ inégalité homme / femme . Que penses-tu du mouvement Me Too et des langues qui se délient ? Il y a une vraie solidarité . Maintenant si tu dis quelque chose , on te croit . Quand une femme dénonce un agresseur , on ne lui demande plus ce qu ’ elle a bien pu faire ou comment elle était habillée .
Le mot de la fin musical ? Beaucoup de choses à venir : on travaille sur le clip du titre Sweet Rewards qui sera tourné à Lyon et qui sort cet été , plus la tournée dans pleins de pays , Hollande , Espagne , Italie , France , Autriche , Suisse ...
Propos recueillis par Jaloud