Ville à vélo Printemps 2018 | Page 62

Tribulations d’une cycliste urbaine / Geneviève Lefebvre – Tu pédales avec ça ?!? «ça.» Ça, c’est-à-dire des talons hauts. Des escarpins, pour être plus précise. Qui vont avec la petite jupe élégante, les cheveux en chignon bas (casque de vélo oblige) et du rouge à lèvres (toujours se faire voir des automobilistes). J’ai un rendez-vous de théâtre dans le Quartier des spectacles, alors oui, je pédale en tenue de ville… Je ne vais quand même pas aller au théâtre « clippée » et en cuissards de vélo ! Pas une seconde il ne me serait venu à l’idée de me rendre au théâtre autrement qu’à vélo. Pour l’urbaine que je suis, c’est le mode de transport le plus rapide, le plus efficace et le plus écologique pour à peu près toutes les destinations et toutes les occasions. Il faut dire que mon Opus de ville est une monture parfaite, un compagnon de route et de vie à toute épreuve. Carrosse noir et fauve pour les sorties élégantes, VUS pour les longs déplacements et les pique-niques sur le mont Royal, utilitaire tout court pour faire les courses (le panier a la capacité de contenir tous les ingrédients nécessaires à la fabrication d’un carbonara, en plus d’une bouteille de ce délicieux chardonnay de l’Oregon), mon Opus s’est même déjà transformé en trac- teur pour transporter des sacs de terre à jardin au moment des semis. C’est à la fois un cheval de labour et un gentleman des grandes sorties, qui me permet de dévaler la piste de la rue Berri jusqu’à celle du boulevard de Mai- sonneuve, et hop ! de le garer en quelques secondes, gratuitement. Grâce à lui, j’ai accès 62 VILLE À VÉLO HORS-SÉRIE VÉLO MAG Non. Si marcher en talons hauts reste hasardeux, pédaler est la chose la plus facile au monde. En vélo, le talon haut est même un avantage. Chaque fois qu’on met le pied à terre, le talon sert de petit escabeau, dispensant d’avoir à se soulever de la selle quand on doit s’arrêter (sou- vent). C’est, pour ainsi dire, le meil- leur ami de la cycliste en tenue de soirée. Et pour pédaler ? Aucun souci. Comme on pousse déjà sur la pédale avec l’avant-pied, en laissant le talon hors de la pédale, ça ne change strictement rien à l’affaire. Après une soirée haute en culture et deux verres de pinot grigio dans le nez, ça fait toujours un petit velours de monter la côte Berri sans même se lever en danseuse, la jambe alerte, le cardio en joie et le talon guilleret. Et se coucher le cœur content, en sachant qu’encore une fois, on a réussi à conjuguer deux plaisirs, la culture et le sport, qui vont très bien ensemble, sans sacri- v fier une once d’élégance. ● à la culture sans que ça me coûte un sou en déplacement. Oui, mais en ballerines plates, ce ne serait pas mieux ? PRINTEMPS/ÉTÉ 2018 Note de l’auteure : cette chronique a été écrite au lendemain de l’élection de Valérie Plante à la mairie de Montréal. Valérie Plante, une cycliste, une triathlète et une citoyenne qui a fait campagne à vélo et en jupe.