Ville à vélo Printemps 2018 | Page 55

de Montréal. Les intentions de l’entreprise sont claires. « Nous voulons répandre notre système partout à Montréal, surtout là où Bixi n’opère pas », lance Emmett Meacher. Et à plus long terme ? « D’ici cinq ans, notre souhait le plus cher est que Dropbike soit une solution de transport crédible vers laquelle se tournent instinctivement les Canadiens. » Rien de moins ! Phénomène mondial ! Le phénomène du vélo en libre-­ service de deuxième génération est loin d’être unique à Montréal. Partout dans le monde, des villes ac- cueillent ces systèmes qui rappellent l’autopartage Car2go, version vélo. Rien que dans la dernière année, Paris, Bruxelles, Londres, New York, Washington, Melbourne et Sydney, notamment, ont vu appa- raître une ou plusieurs entreprises de vélos en libre-service sans an- crages et accessibles au moyen d’un téléphone. Le modus operandi est relativement similaire à celui de Dropbike, dont on trouve aussi les vélos à Toronto et à Kingston. Cela dit, de nombreuses villes ont abandonné le système tant la vie des vélos 2.0 est éphémère. C’est néanmoins à la Chine qu’on doit la paternité du VLS 2.0. Grâce à des centaines de millions de dol- lars investis par des géants chinois de l’Internet comme Alibaba, les compagnies Ofo (aux vélos jaunes) et Mobike (aux vélos orange) s’y sont implantés dans plus de trente grandes villes depuis 2016. À elles deux, ces compagnies rejoindraient des dizaines de millions de jeunes utilisateurs partout au pays, mais aussi sur la planète. Selon ces leaders mondiaux dans le domaine, chacun évalué à plus d’un milliard de dollars américains, « le VLS 2.0 est en train de changer le paysage urbain ». L’avènement de ces géants ne se fait toutefois pas sans heurts. Au mois de juillet dernier, le magazine Wired rapportait par exemple que les rues, les parcs et les trottoirs de la ville chinoise de Hangzhou se sont littéralement retrouvés infestés de vélos en libre-service sans bornes. Exaspérées, les autorités ont alors procédé à un ramassage en règle de ces ordures inusitées. Résultat : des dépotoirs remplis à ras bord de vélos abandonnés par milliers ! Ce scénario s’est depuis répété ailleurs dans l’empire du Milieu, mais aussi à Seattle, aux États-Unis. « Ce sont des vidanges » La bonne nouvelle, c’est que Drop- bike s’est arrangé pour que ces scènes ne se répètent pas ici, au Canada ; en délimitant des zones où déposer ses vélos à la suite de leur utilisation, la compagnie torontoise a « créé la recette parfaite pour éviter le chaos », estime Emmett Meacher. La mauvaise, c’est qu’elle s’est tout de même attiré son lot de critiques, dont certaines sont carrément viru- lentes. Ses vélos ont par exemple été qualifiés de « cochonneries » et de « vidanges » par un utilisateur visiblement insatisfait sur la page Facebook Vélo d’hiver – Montréal. Position de conduite inconfortable, matériaux de piètre qualité et faible absorption des chocs ne sont que quelques-uns de ses reproches. Aussi, ces vélos ne visitent pas souvent un atelier d’entretien. Un autre utilisateur – lui aussi mécontent – souligne quant à lui le caractère intrusif de l’application Dropbike, qui est nécessaire pour déverrouiller puis utiliser un vélo. Photos à l’appui, il constate qu’elle exige qu’on lui donne accès à une « panoplie plutôt effrayante » de droits. « L’application demande essentiellement de lui laisser le contrôle total de votre téléphone intelligent. Ma vie privée vaut plus que ça », déplore-t-il. Confronté à ce sujet, Dropbike prétend qu’elle ré- colte « un nombre limité de données anonymes sur les déplacements et les caractéristiques démogra- phiques de ses utilisateurs afin de les partager avec les autorités ». La Ville de Westmount a été incapable de nous confirmer cette information. Dernier point, mais non le moindre : celui du modèle d’affaires. D’après Dropbike, la location de vélo à 1 $ par heure est suffisante pour assurer la rentabilité de l’en- treprise. Une information dont doute fortement Pierre Parent, directeur du marketing et des com- munications chez Bixi Montréal. « La structure me semble obscure. Même si nous évaluons le prix de ces vélos à quelques centaines de dollars – ce qu’ils valent proba- blement –, j’ai peine à croire que cela fonctionne », avoue celui qui trouve exagérée l’affirmation selon laquelle Dropbike représente de la concurrence pour Bixi. « L’arrivée de Dropbike nous force certes à innover. Mais je confirme que nous v ne nous sentons pas menacés! » ● Bike / Spin / LimeBike / Jump Bikes / oBike / Billy Bike / Pony Bike HORS-SÉRIE VÉLO MAG VILLE À VÉLO 55