l'heure du docteur
BYE BYE BOWTIE
par amane matsuo
Bye Bye Bowtie
6
Sur les champs de Trenzalore...
Le chant du cygne du 11ème Docteur
what’s not in the world of iPad 2 apps Vullum nulla molortio
Et oui, c'est le cercle de la vie, comme on dit. Le 11ème Docteur a officiellement tiré sa révérence le 25 Décembre 2013, lors de sa dernière aventure intitulée Time of the Doctor. La diffusion de l'épisode en France le 22 Mars 2014, sous le titre L'heure du Docteur est un merveilleux prétexte pour revenir sur ces adieux, toujours difficiles pour l'essentiel des fans.
Quel bilan faire de cet épisode très attendu, qui a eu la tâche ardue de nous faire accepter le départ de Matt Smith et accepter l'arrivée du très polémique Peter Capaldi ?
Plus important encore, comment conclut-il les trois ans de règne du 11ème Docteur ?
« Sur les champs de Trenzalore, à la chute du Onzième, alors qu’aucune créature vivante ne pourra mentir ou s’abstenir de répondre, une question sera posée. Une question qui ne doit surtout jamais trouver de réponse. » - Dorium
L'heure du Docteur débute de façon plus que musclée. Tandis qu'il se trouve entouré de milliers de vaisseaux placés en orbite d'une planète inconnue, le Docteur s'en va interroger toutes les créatures qu'il peut trouver. Il n'y a en effet pas de hasard à cette étrange réunion intersidérale : un code en langue inconnue est diffusé en continu depuis la mystérieuse planète, faisant accourir toutes les races suffisamment technologiquement avancées dans l'Univers qui se demandent ce que tout cela peut signifier.
Aidé par Cafetière (en Vo : Handles), une tête de Cyberman venue d'on ne sait où, le Docteur tente lui aussi de chercher une réponse. C'est alors qu'il reçoit un appel de Clara, restée sur Terre. C'est le jour de Noël, et elle a deux problèmes majeurs. Elle n'a pas de dinde assez cuite, et surtout n'a pas de petit ami, contrairement à ce qu'elle a pu affirmer à sa famille. Elle compte donc sur le Docteur pour qu'il vienne l'aider, ce qu'il finit bien entendu par faire.
En réalité, même s'il fait acte de présence, le Docteur n'a pas vraiment l'esprit à aider sa jeune compagne. Après une scène cocasse où on le retrouve nu (pour aller à l’Église selon ses propres mots), les deux comparses repartent étudier la planète problématique. C'est alors que Cafetière parvient enfin à l'identifier : il s'agit, selon sa base de données, de Gallifrey. Le Docteur rejette immédiatement l'hypothèse, étant donné que Gallifrey ne peut se trouver ici, et qu'il aurait de toute façon été le premier à la reconnaître si ça avait été le cas. Il n'a cependant pas le temps d'en dire davantage : le plus grand des vaisseaux placés en orbite, qui se révèle être le vaisseau Papal, lui diffuse une invitation à monter à bord. Clara et le Docteur s'en vont donc à la rencontre de la Mère Supérieure en charge, la mystérieuse Tasha Lem, en étant tous deux nus pour respecter les préceptes de l’Église (rassurez-vous, des hologrammes donnent l'impression qu'ils sont habillés).
A bord, Clara repère de nombreux Silences, sans parvenir à se souvenir d'eux et donc sans pouvoir prévenir le Docteur. Ce dernier, pendant ce temps, discute du message inconnu avec Tasha Lem qui lui explique maintenir le statu quo entre toutes les espèces présentes et donc interdit à quiconque de descendre sur la planète pour le moment. Elle accepte de faire une exception pour eux et les envoie donc sur place, où ils sont immédiatement pris en chasse par des Anges Pleureurs enfouis sous une épaisse couche de neige.
Finalement, après s'être échappés, Clara et le Docteur arrivent dans une petite ville aux airs féeriques. Ils tentent de cacher leurs identités, mais ne peuvent s'empêcher de dire la vérité : c'est parce que le village -qui s'appelle Noël- est entouré par un champ de vérité. Bref, personne ne peut mentir. En allant ensuite à la tour de l'église, ils découvrent une faille dans un mur, une faille identique à celles qu'on a pu apercevoir dans la saison 5. Le champ de vérité et le message codé s'en échappent : le Docteur décide alors d'utiliser le Sceau du Haut-Conseil, dérobé au Maître lors d'une précédente incarnation (Cf. l'épisode classique The Five Doctors). Cafetière est enfin capable de traduire le message, non seulement pour le groupe mais aussi pour le reste de l'Univers : «Docteur Qui ?»
Le Docteur réalise la vérité : Gallifrey se trouve derrière cette faille, emprisonnée dans un Univers de poche. La question et le champ de vérité sont là pour le pousser à révéler son vrai nom ainsi les Seigneurs du Temps sauront-ils qu'il se trouve à proximité quand ils tenteront de sortir. Tasha Lem le contacte à nouveau et l'enjoint de ne pas répondre, car au-dessus de leurs têtes se trouvent des centaines d'espèces prêtes à déclencher une nouvelle Guerre du Temps si les Seigneurs du Temps devaient revenir. Mieux vaudrait les laisser détruire la Planète, chose que le Docteur refuse, même quand Tasha révèle qu'il se trouve sur Trenzalore... lieu de son futur tombeau. Après avoir piégé Clara pour la ramener sur Terre via le TARDIS, le Docteur décide de s'établir sur Trenzalore, et démarre ainsi un siège qui va durer plusieurs siècles...
Un départ coup de feu qui devient vite pétard mouillé...
Arrêtons-nous ici pour le moment pour faire un point sur ce début d'épisode. L'Heure du Docteur a un rythme extrêmement rapide et vous lance directement dans le nœud du problème. Les premières minutes sont plutôt agréables : on y retrouve le 11ème Docteur qu'on aime, nerveux, éparpillés, très actif et avec ce côté enfantin qui faisait son charme des débuts. Et si j'avoue ne pas avoir aimé l'interaction avec Clara concernant cette affaire de faux petit-ami qui se révélera en plus être totalement inutile pour la suite du scénario, on a quelques petites tranches de rigolade bienvenues.
Malheureusement... cela ne va pas durer. Tout s'effondre finalement avec le lâcher de bombe, à savoir l'évocation de Gallifrey. Je précise ce que je veux dire par là : n'oublions pas que la planète a été sauvée seulement un épisode auparavant, dans Le Jour du Docteur. Une petite ambiguïté avait même été laissée à la fin de l'aventure, nous laissant incertain quant à son sort : les Docteurs avaient-ils réellement réussis à la sauver ? Nous voilà désormais fixés, la réponse est oui. Mais pourquoi nous la donner si vite ? Après avoir passé 7 saisons sans elle, tout est précipité sur deux épisodes ! On a donc dès le départ l'impression d'un grand déséquilibre dans le rythme, et je ne comprends pas du tout l'intérêt de laisser un suspens dans l'épisode anniversaire si c'est pour lui casser les pattes arrière un mois plus tard. Mais plus problématique encore est le rôle qu'a Gallifrey dans l'épisode. Car non seulement la planète est citée, mais en plus on nous révèle qu'au final elle est au cœur de l'arc élaboré par Moffat depuis la saison 5.
Trenzalore : comment bricoler une résolution en trois bouts de ficelle
Pour résumer rapidement, le Silence a essayé de neutraliser le Docteur en faisant exploser le TARDIS (saison 5), en élevant River Song pour qu'elle le tue (saison 6), ce pour lui éviter de se rendre un jour à Trenzalore et d'y dire son nom. La saison 7 laisse d'abord supposer que c'est à cause de la présence de son tombeau (que la Grande Intelligence parvient à infiltrer), mais L'Heure du Docteur corrige en disant que le Silence voulait surtout éviter les événements qui sont à l'origine de l'existence de ce tombeau, bref l'appel de Gallifrey qui conduirait immanquablement à une guerre s'il devait être répondu.
Et c'est le premier coup de massue. On sent directement le bricolage de derrière minute, la misérable tentative de nous faire croire qu'absolument tout a été prévu depuis la saison 5 pour mener naturellement à cette résolution. Sauf qu'en y réfléchissant trente secondes, Gallifrey communique au travers d'une fissure créée par l’explosion du TARDIS : bref le Silence, en faisant exploser le TARDIS pour faire en sorte que le Docteur ne puisse aller à Trenzalore pour répondre à la question posée via cette fissure... a justement donné naissance à la fissure en question ! Comment voulez-vous faire quelque chose de crédible en partant d'une base aussi fondamentalement stupide ? Sans oublier que l'explosion du TARDIS a bien failli détruire l'Univers tout entier. Quelle bourde...
Plus simplement, malgré les énormes défauts de cohérences des saisons 6 et 7... Name of The Doctor apportait déjà les réponses dont on avait besoin. On comprend la menace posée par l'existence de la ligne temporelle du Docteur, et par les destructions qu'auraient pu engendrer les changements par la Grande Intelligence. On comprend déjà à ce moment là pourquoi des gens voudraient empêcher le Docteur d'atteindre Trenzalore, que ça soit pour y visiter son tombeau ou même pour y mourir, tout simplement. Alors pourquoi ajouter une seconde explication complètement superflue qui greffe en plus Gallifrey, soit un élément qui n'avait JAMAIS été évoqué en trois saisons sinon dans l'épisode précédent ?
La règle des 12 régénérations, ou l'erreur fatale.
Reprenons le résumé où nous l'avons arrêté pour révéler les autres énormes failles du scénario. Le Docteur passe 300 ans sur Trenzalore, à défendre la planète contre les ennemis très divers qui parviennent parfois à passer entre les mailles du filet (Sontariens, Cybermen de bois, etc etc.). Il passe son temps à fabriquer des jouets de bois pour les enfants et à raconter ses aventures à ces derniers, au point de presque en oublier sa vie d'avant. C'est alors qu'un jour, le TARDIS réapparaît avec, agrippée à la porte, une Clara sous le choc. Elle a eu le temps de mettre sa clef dans la serrure du vaisseau avant que celui-ci ne parte, ce qui a fait qu'elle a réussi à survivre dans le Vortex en étant protégée par un champ de force. Elle a néanmoins largement retardé sa course, au grand dam du Docteur. S’essuie une scène assez émouvante où Cafetière, seul compagnon permanent durant ces trois siècles de siège, assiste à son dernier lever de soleil. C'est l'occasion pour le Docteur de révéler à Clara qu'il chantera lui aussi son dernier chant du cygne... car il ne peut plus se régénérer.
Et nous voilà sur le second problème vital de l'épisode. Pour rappel, la règle des 12 régénérations / 13 incarnations a été lancée par l'épisode The Deadly Assassin dans les années 70. Elle n'était absolument pas destinée à devenir «canon», mais le temps en a décidé autrement. Mais, me direz-vous, il n'y a aucune raison pour qu'on la traite dans cet épisode ! Après tout Matt Smith est le 11ème Docteur, et même s'il faut compter désormais une régénération utilisée de plus entre les 8ème et 9ème incarnations... et bien ça ne fait que 12 corps utilisés, pas 13 !
Sauf que souvenez-vous la fin de la saison 4, avec La Fin du Voyage. Le 10ème Docteur s'y était régénéré en gardant le même visage grâce à un tour de passe-passe. A l'époque Russel T Davies, le showrunner et scénariste, avait dit de ne pas compter cette régénération, mais Moffat a tordu cette recommandation pour pouvoir arriver à ses fameux 13 corps, et donc la traiter quand même. Ce que je trouve personnellement ridicule pour trois raisons :
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Pour résumer la situation donc : l'épisode est basé sur ce problème de régénération et le rôle de Gallifrey, deux éléments bricolés à la hâte en dernière minute. Comment voudriez-vous parvenir à une résolution logique avec ça ?
Les 300 ans les moins crédibles de la création
En plus des soucis de non-crédibilité posés par le scénario s'ajoute un problème purement visuel en ce qui concerne la ville de Noël. C'est là que le Docteur s'installe et vit ses trois siècles de siège : l'évolution est visible sur son visage, modifié par un maquillage plutôt bien fait. Gros problème cependant : la ville reste quant à elle absolument identique. On n'a donc absolument pas l'impression qu'autant de temps à pu passer.
Noël visuellement ressemble à une ville humaine occidentale mélangeant des styles des XIXème et XXème siècle (notamment pour l'éclairage). Elle est une colonie de niveau 2, habitée par des êtres humains : comment aurait-elle pu ne pas évoluer sur une période aussi vaste ? Même la mode reste exactement la même. C'est d'autant plus terrible que par la suite le conflit va durer encore quelques centaines d'années, et ce toujours avec le même problème. Il existe de plus des histoires courtes sur Trenzalore (l'action se passe 150 ans avant l'arrivée du Docteur), et une évolution y est clairement décrite...
L'entrée en action des Daleks et le déclenchement de la guerre
Bref. Au bout des ces 300 ans de siège et peu après l'arrivée de Clara, le Docteur reçoit un nouveau message de Tasha Lem, qui souhaite le revoir à bord du vaisseau. Il obtempère, pour s'entendre dire que les Daleks ont attaqué l'Eglise quelques jours auparavant et ont tué tout le monde... dont la mère Supérieure elle-même. Tasha se révèle être une poupée commandée par les Daleks, identiques à celles présentées dans L'Asile des Daleks. Elle est sur le point de tuer Clara quand le Docteur parvient à faire en sorte qu'elle puisse résister au psychopathe qui est en elle. Il s'échappe avec Clara, et cette dernière lui fait promettre, dans le TARDIS, de ne plus l'abandonner. Il obtempère mais c'est bien sûr du bluff, et quand Clara sort du vaisseau, c'est pour se retrouver une fois de plus sur Terre, sans la possibilité de s'accrocher au TARDIS cette fois, alors qu'il repart à Trenzalore.
Plusieurs siècles passent, nettement plus musclés cette fois. Le conflit est déclaré officiellement, et les Daleks sont de la partie et sont aussi les derniers ennemis à rester sur place. Le Docteur en est au point qu'il s'allie avec le Silence, les ennemis d'autrefois qui se sont révélés être les Confesseurs (un peu trop zélés) de l’Église.
Clara, quant à elle, assiste à son dîner de famille, en larmes. Elle se fait consoler par sa grand-mère quand elle entend au loin le bruit du TARDIS. Surprise cependant, ce n'est pas le Docteur aux commandes mais Tasha Lem, qui explique à la jeune fille que le Docteur est mourant et qu'elle désire qu'elle soit à ses côtés pour ses derniers moments. Une fois arrivée sur Trenzalore, Clara découvre en effet que le Docteur est devenu un vieil homme, et passe quelques minutes avec lui avant qu'il ne décide à grimper au sommet de la tour de l'église pour un dernier face à face avec ses ennemis. Désespérée, Clara s'approche alors de la fissure : elle supplie les Seigneurs du Temps d'aider le Docteur, en leur expliquant qu'ils n'ont finalement pas besoin de savoir son vrai nom. Tout ce qui importe est le nom qu'il a choisi, et les promesses qui y sont liées. La fissure se referme...
Quelques secondes plus tard, dans le ciel, une immense fissure s'ouvre, et un nuage étrange est envoyé au Docteur : il s'agit d'un cycle complet de régénérations supplémentaires, offert par les Seigneurs du Temps ! Le Docteur se régénère ainsi en grande pompe, dégageant des gerbes d'énergie telles qu'il parvient à détruire le vaisseau Dalek et les ennemis alentour.
Une fois le conflit terminé, Clara se rend au TARDIS pour voir comment le Docteur se porte : celui-ci n'a pas encore changé, quoique son visage est jeune à nouveau. Il lui explique que sa régénération prend un peu plus longtemps que d'habitude mais qu'il finira bien par changer, cependant cela ne l'angoisse pas trop. Il est fier de ce qu'il a accompli, et n'oubliera jamais le temps où il a été le Docteur au 11ème visage. Le processus lui fait avoir des hallucinations : il voit la petite Amelia Pond courir dans le TARDIS, puis Amy Pond, majestueuse et dans la force de l'âge, vient lui souhaiter bonne nuit...
La régénération se termine extrêmement soudainement, laissant place à Peter Capaldi ! Clara semble terrifiée par ce visage étranger (et, disons-le, très creepy – l'entrée en matière de l'acteur est irrésistible). Il se plaint vaguement de la couleur de ses reins, puis le TARDIS initie une folle descende qui risquerait bien de s'écraser. L'épisode se termine sur le nouveau Docteur, qui demande à Clara si elle saurait comment piloter l'engin, et le visage affolé de cette dernière.
Jouons à qui à la plus grosse
Voilà ! Le résumé est enfin terminé, nous pouvons rester dans l'analyse pure (même si nous avons déjà débroussaillé pas mal de choses).
Cette seconde partie d'épisode, qui porte sur la guerre et non plus le siège, n'est hélas pas mieux réussie que la première. Le premier problème porte sur Tasha Lem : nombre d'entre vous se seront sans doute demandé, en la voyant si proche du Docteur et capable de piloter le TARDIS, si elle ne serait pas une incarnation de River Song. C'est en pratique impossible : il ne peut exister d'incarnation post-Kingston puisqu'elle a donné toutes ses régénérations supplémentaires pour sauver le Docteur dans Allons sauver Hitler, puis a perdu son corps dans La Bibliothèque des Ombres. Il pourrait éventuellement y avoir une incarnation entre la petite Melody et la jeune Mels, mais celle ci aurait encore été motivée par sa mission du tuer le Docteur.
Pourtant effectivement, Tasha est bien River ou, plutôt, son personnage dans le script originel était censé être River : Alex Kingston n'était cependant pas disponible pour le tournage, ce qui a forcé Moffat a créé un autre personnage à sa place. Dommage, ça ne se sent que trop bien : les deux femmes sont identiques, et c'est extrêmement agaçant. Aucun effort d'écriture n'a été effectué pour dissocier les deux personnalités.
Second problème : le pathos qui entoure les derniers moments -supposés- du Docteur. Outre le poème, qui n'est pas subtil pour deux sous, j'ai notamment été très surprise d'entendre en fond sonore «Four Knock», qui est à la base la musique qui retentit dans La Prophétie de Noël quand le 10ème Docteur se sacrifie pour éviter à Will d'être irradié. Un des soucis de Moffat était justement de rendre la régénération du 11ème Docteur très différente de celle de son prédécesseur (sur ce point, le contrat est rempli), mais dans ce cas-là pourquoi nous la rappeler en utilisant ce thème très connoté ? Murray Gold ayant souffert de coupures de budget, je peux comprendre qu'il n'ait pu créer de thème vraiment original pour ce moment... mais tout de même, le choix reste totalement en contradiction avec l'intention derrière.
L'élément qui me laisse la plus perplexe est néanmoins le suivant : nous sommes d'accord, le Docteur est sur Trenzalore depuis plusieurs siècles. Les Seigneurs du Temps n'ont jamais rien fait pour lui faciliter la tâche, ils ont invariablement attendu qu'on réponde à leur question pour intervenir. En quoi la non-réponse de Clara peut-elle être satisfaisante pour eux ? Elle ne fait que valider un fait qu'ils savaient déjà, au final. Pire encore, ils ouvrent une immense faille dans le ciel pour donner au Docteur les régénérations dont il avait besoin... mais ne passent pas ! Ils restent bien au chaud dans leur Univers de poche alors que l'épisode ENTIER est basé sur le fait qu'ils veulent revenir dans l'Univers principal.
Pourquoi ? Pourquoi ce changement soudain d'avis alors qu'ils viennent à priori d'avoir une réponse qui les satisfait (même si on ne voit pas en quoi ?)
Le cirque qui entoure ces nouvelles régénérations inespérées est aussi très agaçant. Autant il est amusant de voir le 11ème Docteur s'exciter tout seul au sommet de l'église (Matt Smith qui fait du pur Matt Smith, ça vaut toujours le coup d’œil), autant la régénération d'une puissance telle qu'elle fait exploser tous les Daleks alentour et créée même une onde de choc sur la planète... c'est un peu ridicule. Et ça l'est d'autant plus que si le Dalekanium supporte visiblement assez mal la force dégagée, les bâtiments de pierre où se sont réfugiés les habitants, eux, se portent encore très bien. A croire que c'est sélectif…
Place aux jeunes !
Reste le moment que tout le monde attend, celui de la Régénération. A l'inverse de celle du 10ème Docteur, qui se faisait dans la peur, la peine et les regrets, celle du 11ème se fait après une victoire, et de façon bien plus sereine. Cette fois, il n'a pas peur de ce qui arrive, et accepte volontiers ce changement. C'est pour le coup une notion intéressante, même si le discours dure des plombes et ressemble justement trop à un discours alors qu'il est censé être une pensée improvisée. On sent peut être trop les paroles de Moffat et Smith et pas assez celles du Docteur, mais il y a du fond et du vrai des ces mots. L'idée de symboliser cet au revoir par la chute du nœud-papillon emblématique est également, très bien, même si le ralenti était sans doute de trop.
Moins réussie est l'intervention d'Amy. Les hallucinations avant régénération sont un concept déjà exploité avec le 5ème Docteur, dont les adieux sont assez déchirants il faut bien l'admettre. Dans le cas du 11ème, c'est bien trop grandiloquent pour être réellement émouvant. Je considère personnellement qu'une émotion forte est une émotion «pudique», qui n'est pas exposée en grande pompe mais dont on sent néanmoins toute l'intensité. Ici, l'arrivée au ralenti d'Amy sur fond d'orchestre déchaîné ne convint pas, et si je comprends bien sûr tout le symbole qu'elle représente, je trouve dommage que Clara, Rory et River soient pour le coup totalement oubliés.
Bref. Après cela, Capaldi apparaît de façon véritablement inattendue sur une seconde de temps. Beaucoup de gens n'ont pas aimé la rapidité de cette transition, mais pour ma part je la trouve bien vue. Déjà, elle vous donne une impression de malaise qui vous permet d'avoir immédiatement de l'empathie pour Clara. Ensuite, elle est magnifiée par le jeu très inquiétant de Capaldi, qui accentue cette notion d'étrange : c'est une des rares fois où j'ai véritablement senti toute la bizarrerie du principe de régénération, au lieu de le prendre pour acquis. C'est au moins une fin qui se fait sur une note tout à fait positive !
Un épisode bilan, ou un épisode best-off ?
Vous l'aurez compris, mon avis sur L'Heure du Docteur est assez tranché. L'épisode a certes quelques qualités, mais elles ne parviennent pas à contrebalancer les défauts énormes qui sapent sa base. Je pense que le défaut principal est celui-ci : vouloir à la fois régler 3 ans d'intrigue ET proposer une régénération sur une heure de temps est juste foutrement impossible. Et je ne comprends pas comment cette évidence a pu filer sous le nez de Moffat.
L'Heure du Docteur se veut être un épisode-bilan, qui règle enfin toutes les questions posées par l'ère Smith pour offrir une page vierge sur laquelle écrire l'ère Capaldi. L'intention est louable, mais Steven Moffat se perd très vite sans ses propres incohérences. Ne pouvant que bricoler une théorie franchement peu solide, il tente naturellement de dynamiser l'épisode en y mettant tout ce qu'il a : église volante, Sontariens, Daleks, Anges Pleureurs, Cybermen, Silence, Gallifrey, c'est une vraie foire aux monstres. Sauf que du coup, on passe du bilan à une liste. Et c'est là une différence fondamentale.
On dirait que Moffat a en fait voulu rendre un «hommage» aux trois années de son Docteur en y mettant toutes les menaces emblématiques : imaginez la densité de la chose, il était totalement illusoire de penser que toutes ces créatures pourraient jouer un rôle. Les Anges à titre d'exemple sont là pour un caméo, ni plus ni moins : on les voit une minute à l'écran, ils sont une menace visible pour Trenzalore... puis on n'entend quasi plus parler d'eux. Pourquoi les faire intervenir, alors ? Je pense personnellement qu'il ne faut pas contenter de montrer, il faut utiliser, surtout quand vous êtes sur quelque chose d'aussi rempli. Si ce n'est pas nécessaire, zappez et restez simple. L'épisode s'apparente au final à un Best-off un peu bizarre, et franchement pas nécessaire.
Une intrigue qui passe au second plan
Autre problème posé par la structure de l'épisode : la prévisibilité de son dénouement. On sait que le Docteur va fatalement survivre. On sait qu'il va réussir à trouver quelque chose pour contourner la loi des 12 régénérations. On sait qu'il va survivre à Trenzalore. Bref, on connaît déjà en substance l'épisode avant même de l'avoir vu, ce qui rend les choses passablement ennuyeuses. Dans La Prophétie de Noël, la régénération était incluse dans un cadre tout à fait différente. L'aventure n'était pas liée au fait que le Docteur allait se régénérer, et les quatre-coups annonçant sa mort étaient pour le coup totalement imprévisibles. En bref, on suivait une véritable histoire indépendante, tandis que dans L'Heure du Docteur tout tourne autour de la mort prochaine de notre héros, qu'on sait cependant impossible.
Et le public britannique ne s'y est pas trompé : chose inédite pour un épisode de régénération, environ deux millions de téléspectateurs ne se sont connectés à leur TV que pour les cinq dernières minutes, celles mettant en scène Capaldi.
Que conclure ?
Ma conclusion est simple : le drame de L'Heure du Docteur n'est pas tant son intrigue incohérente, c'est un souci auquel on est habitué depuis quelques temps. Le drame, c'est qu'il n'a pas lieu d'exister. Non seulement il n'a pas de véritable histoire à raconter (comme je le disais, la fin est prévisible dès le départ), mais en plus les théories qu'il met en place auraient largement pu être traitées dans les deux épisodes précédents, où elles auraient eu bien plus de sens. (Le Nom du Docteur pour Trenzalore, Le Jour du Docteur pour la question des régénérations – qu'on aurait pu carrément éviter).
Et c'est là une configuration assez inédite et dramatique : qu'un épisode n'ait pas lieu d'exister est déjà triste en soi, mais que dire quand l'épisode en question est censé faire les adieux d'un Docteur ? Même s'il est vrai que l'ère Smith a été extrêmement polémique et pas forcément réussie sur tous les plans, le 11ème Docteur méritait de partir en grande pompe. Il n'y a finalement pas eu énormément d'émotion véritable qui s'est dégagée sur cet épisode, dont les secondes les plus originales sont finalement dédiées à l'apparition de Capaldi. L'Heure du Docteur a été clairement une grosse déception pour beaucoup de fans, et ce n'est que trop compréhensible. On lui reconnaîtra juste le mérite d'avoir laissé au 12ème Docteur une feuille de route vierge, qui sera remplie, on l'espère, un peu plus habilement dans les temps à venir.
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