C'est d'autant plus terrible que par la suite le conflit va durer encore quelques centaines d'années, et ce toujours avec le même problème. Il existe de plus des histoires courtes sur Trenzalore (l'action se passe 150 ans avant l'arrivée du Docteur), et une évolution y est clairement décrite...
L'entrée en action des Daleks et le déclenchement de la guerre
Bref. Au bout des ces 300 ans de siège et peu après l'arrivée de Clara, le Docteur reçoit un nouveau message de Tasha Lem, qui souhaite le revoir à bord du vaisseau. Il obtempère, pour s'entendre dire que les Daleks ont attaqué l'Eglise quelques jours auparavant et ont tué tout le monde... dont la mère Supérieure elle-même. Tasha se révèle être une poupée commandée par les Daleks, identiques à celles présentées dans « L'Asile des Daleks». Elle est sur le point de tuer Clara quand le Docteur parvient à faire en sorte qu'elle puisse résister au psychopathe qui est en elle.
Il s'échappe avec Clara, et cette dernière lui fait promettre, dans le TARDIS, de ne plus l'abandonner. Il obtempère mais c'est bien sûr du bluff, et quand Clara sort du vaisseau, c'est pour se retrouver une fois de plus sur Terre, sans la possibilité de s'accrocher au TARDIS cette fois, alors qu'il repart à Trenzalore.
Plusieurs siècles passent, nettement plus musclés cette fois. Le conflit est déclaré officiellement, et les Daleks sont de la partie et sont aussi les derniers ennemis à rester sur place.
Le Docteur en est au point qu'il s'allie avec le Silence, les ennemis d'autrefois qui se sont révélés être les Confesseurs (un peu trop zélés) de l’Église.
Clara, quant à elle, assiste à son dîner de famille, en larmes. Elle se fait consoler par sa grand-mère quand elle entend au loin le bruit du TARDIS. Surprise cependant, ce n'est pas le Docteur aux commandes mais Tasha Lem, qui explique à la jeune fille que le Docteur est mourant et qu'elle désire qu'elle soit à ses côtés pour ses derniers moments.
Une fois arrivée sur Trenzalore, Clara découvre en effet que le Docteur est devenu un vieil homme, et passe quelques minutes avec lui avant qu'il ne décide à grimper au sommet de la tour de l'église pour un dernier face à face avec ses ennemis. Désespérée, Clara s'approche alors de la fissure : elle supplie les Seigneurs du Temps d'aider le Docteur, en leur expliquant qu'ils n'ont finalement pas besoin de savoir son vrai nom. Tout ce qui importe est le nom qu'il a choisi, et les promesses qui y sont liées. La fissure se referme...
Quelques secondes plus tard, dans le ciel, une immense fissure s'ouvre, et un nuage étrange est envoyé au Docteur : il s'agit d'un cycle complet de régénérations supplémentaires, offert par les Seigneurs du Temps ! Le Docteur se régénère ainsi en grande pompe, dégageant des gerbes d'énergie telles qu'il parvient à détruire le vaisseau Dalek et les ennemis alentour.
Une fois le conflit terminé, Clara se rend au TARDIS pour voir comment le Docteur se porte : celui-ci n'a pas encore changé, quoique son visage est jeune à nouveau. Il lui explique que sa régénération prend un peu plus longtemps que d'habitude mais qu'il finira bien par changer, cependant cela ne l'angoisse pas trop. Il est fier de ce qu'il a accompli, et n'oubliera jamais le temps où il a été le Docteur au 11ème visage. Le processus lui fait avoir des hallucinations : il voit la petite Amelia Pond courir dans le TARDIS, puis Amy Pond, majestueuse et dans la force de l'âge, vient lui souhaiter bonne nuit...
La régénération se termine extrêmement soudainement, laissant place à Peter Capaldi ! Clara semble terrifiée par ce visage étranger (et, disons-le, très creepy – l'entrée en matière de l'acteur est irrésistible). Il se plaint vaguement de la couleur de ses reins, puis le TARDIS initie une folle descende qui risquerait bien de s'écraser. L'épisode se termine sur le nouveau Docteur, qui demande à Clara si elle saurait comment piloter l'engin, et le visage affolé de cette dernière.
Jouons à qui à la plus grosse
Voilà ! Le résumé est enfin terminé, nous pouvons rester dans l'analyse pure (même si nous avons déjà débroussaillé pas mal de choses).
Cette seconde partie d'épisode, qui porte sur la guerre et non plus le siège, n'est hélas pas mieux réussie que la première. Le premier problème porte sur Tasha Lem : nombre d'entre vous se seront sans doute demandé, en la voyant si proche du Docteur et capable de piloter le TARDIS, si elle ne serait pas une incarnation de River Song. C'est en pratique impossible : il ne peut exister d'incarnation post-Kingston puisqu'elle a donné toutes ses régénérations supplémentaires pour sauver le Docteur dans Allons sauver Hitler, puis a perdu son corps dans La Bibliothèque des Ombres. Il pourrait éventuellement y avoir une incarnation entre la petite Melody et la jeune Mels, mais celle ci aurait encore été motivée par sa mission du tuer le Docteur.
Pourtant effectivement, Tasha est bien River ou, plutôt, son personnage dans le script originel était censé être River : Alex Kingston n'était cependant pas disponible pour le tournage, ce qui a forcé Moffat a créé un autre personnage à sa place. Dommage, ça ne se sent que trop bien : les deux femmes sont identiques, et c'est extrêmement agaçant. Aucun effort d'écriture n'a été effectué pour dissocier les deux personnalités.
Second problème : le pathos qui entoure les derniers moments -supposés- du Docteur. Outre le poème, qui n'est pas subtil pour deux sous, j'ai notamment été très surprise d'entendre en fond sonore «Four Knock», qui est à la base la musique qui retentit dans La Prophétie de Noël quand le 10ème Docteur se sacrifie pour éviter à Will d'être irradié. Un des soucis de Moffat était justement de rendre la régénération du 11ème Docteur très différente de celle de son prédécesseur (sur ce point, le contrat est rempli), mais dans ce cas-là pourquoi nous la rappeler en utilisant ce thème très connoté ? Murray Gold ayant souffert de coupures de budget, je peux comprendre qu'il n'ait pu créer de thème vraiment original pour ce moment... mais tout de même, le choix reste totalement en contradiction avec l'intention derrière.
L'élément qui me laisse la plus perplexe est néanmoins le suivant : nous sommes d'accord, le Docteur est sur Trenzalore depuis plusieurs siècles. Les Seigneurs du Temps n'ont jamais rien fait pour lui faciliter la tâche, ils ont invariablement attendu qu'on réponde à leur question pour intervenir. En quoi la non-réponse de Clara peut-elle être satisfaisante pour eux ? Elle ne fait que valider un fait qu'ils savaient déjà, au final. Pire encore, ils ouvrent une immense faille dans le ciel pour donner au Docteur les régénérations dont il avait besoin... mais ne passent pas ! Ils restent bien au chaud dans leur Univers de poche alors que l'épisode ENTIER est basé sur le fait qu'ils veulent revenir dans l'Univers principal.
Pourquoi ? Pourquoi ce changement soudain d'avis alors qu'ils viennent à priori d'avoir une réponse qui les satisfait (même si on ne voit pas en quoi ?)
Le cirque qui entoure ces nouvelles régénérations inespérées est aussi très agaçant. Autant il est amusant de voir le 11ème Docteur s'exciter tout seul au sommet de l'église (Matt Smith qui fait du pur Matt Smith, ça vaut toujours le coup d’œil), autant la régénération d'une puissance telle qu'elle fait exploser tous les Daleks alentour et créée même une onde de choc sur la planète... c'est un peu ridicule. Et ça l'est d'autant plus que si le Dalekanium supporte visiblement assez mal la force dégagée, les bâtiments de pierre où se sont réfugiés les habitants, eux, se portent encore très bien. A croire que c'est sélectif…
Place aux jeunes !
Reste le moment que tout le monde attend, celui de la Régénération. A l'inverse de celle du 10ème Docteur, qui se faisait dans la peur, la peine et les regrets, celle du 11ème se fait après une victoire, et de façon bien plus sereine. Cette fois, il n'a pas peur de ce qui arrive, et accepte volontiers ce changement. C'est pour le coup une notion intéressante, même si le discours dure des plombes et ressemble justement trop à un discours alors qu'il est censé être une pensée improvisée. On sent peut être trop les paroles de Moffat et Smith et pas assez celles du Docteur, mais il y a du fond et du vrai des ces mots. L'idée de symboliser cet au revoir par la chute du nœud-papillon emblématique est également, très bien, même si le ralenti était sans doute de trop.
Moins réussie est l'intervention d'Amy. Les hallucinations avant régénération sont un concept déjà exploité avec le 5ème Docteur, dont les adieux sont assez déchirants il faut bien l'admettre. Dans le cas du 11ème, c'est bien trop grandiloquent pour être réellement émouvant. Je considère personnellement qu'une émotion forte est une émotion «pudique», qui n'est pas exposée en grande pompe mais dont on sent néanmoins toute l'intensité. Ici, l'arrivée au ralenti d'Amy sur fond d'orchestre déchaîné ne convint pas, et si je comprends bien sûr tout le symbole qu'elle représente, je trouve dommage que Clara, Rory et River soient pour le coup totalement oubliés.
Bref. Après cela, Capaldi apparaît de façon véritablement inattendue sur une seconde de temps. Beaucoup de gens n'ont pas aimé la rapidité de cette transition, mais pour ma part je la trouve bien vue. Déjà, elle vous donne une impression de malaise qui vous permet d'avoir immédiatement de l'empathie pour Clara. Ensuite, elle est magnifiée par le jeu très inquiétant de Capaldi, qui accentue cette notion d'étrange : c'est une des rares fois où j'ai véritablement senti toute la bizarrerie du principe de régénération, au lieu de le prendre pour acquis. C'est au moins une fin qui se fait sur une note tout à fait positive !
Un épisode bilan, ou un épisode best-off ?
Vous l'aurez compris, mon avis sur L'Heure du Docteur est assez tranché. L'épisode a certes quelques qualités, mais elles ne parviennent pas à contrebalancer les défauts énormes qui sapent sa base. Je pense que le défaut principal est celui-ci : vouloir à la fois régler 3 ans d'intrigue ET proposer une régénération sur une heure de temps est juste foutrement impossible. Et je ne comprends pas comment cette évidence a pu filer sous le nez de Moffat.
L'Heure du Docteur se veut être un épisode-bilan, qui règle enfin toutes les questions posées par l'ère Smith pour offrir une page vierge sur laquelle écrire l'ère Capaldi. L'intention est louable, mais Steven Moffat se perd très vite sans ses propres incohérences. Ne pouvant que bricoler une théorie franchement peu solide, il tente naturellement de dynamiser l'épisode en y mettant tout ce qu'il a : église volante, Sontariens, Daleks, Anges Pleureurs, Cybermen, Silence, Gallifrey, c'est une vraie foire aux monstres. Sauf que du coup, on passe du bilan à une liste. Et c'est là une différence fondamentale.
On dirait que Moffat a en fait voulu rendre un «hommage» aux trois années de son Docteur en y mettant toutes les menaces emblématiques : imaginez la densité de la chose, il était totalement illusoire de penser que toutes ces créatures pourraient jouer un rôle. Les Anges à titre d'exemple sont là pour un caméo, ni plus ni moins : on les voit une minute à l'écran, ils sont une menace visible pour Trenzalore... puis on n'entend quasi plus parler d'eux. Pourquoi les faire intervenir, alors ? Je pense personnellement qu'il ne faut pas contenter de montrer, il faut utiliser, surtout quand vous êtes sur quelque chose d'aussi rempli. Si ce n'est pas nécessaire, zappez et restez simple. L'épisode s'apparente au final à un Best-off un peu bizarre, et franchement pas nécessaire.
Une intrigue qui passe au second plan
Autre problème posé par la structure de l'épisode : la prévisibilité de son dénouement. On sait que le Docteur va fatalement survivre. On sait qu'il va réussir à trouver quelque chose pour contourner la loi des 12 régénérations. On sait qu'il va survivre à Trenzalore. Bref, on connaît déjà en substance l'épisode avant même de l'avoir vu, ce qui rend les choses passablement ennuyeuses. Dans La Prophétie de Noël, la régénération était incluse dans un cadre tout à fait différente. L'aventure n'était pas liée au fait que le Docteur allait se régénérer, et les quatre-coups annonçant sa mort étaient pour le coup totalement imprévisibles. En bref, on suivait une véritable histoire indépendante, tandis que dans L'Heure du Docteur tout tourne autour de la mort prochaine de notre héros, qu'on sait cependant impossible.
Et le public britannique ne s'y est pas trompé : chose inédite pour un épisode de régénération, environ deux millions de téléspectateurs ne se sont connectés à leur TV que pour les cinq dernières minutes, celles mettant en scène Capaldi.
Que conclure ?
Ma conclusion est simple : le drame de L'Heure du Docteur n'est pas tant son intrigue incohérente, c'est un souci auquel on est habitué depuis quelques temps. Le drame, c'est qu'il n'a pas lieu d'exister. Non seulement il n'a pas de véritable histoire à raconter (comme je le disais, la fin est prévisible dès le départ), mais en plus les théories qu'il met en place auraient largement pu être traitées dans les deux épisodes précédents, où elles auraient eu bien plus de sens. (Le Nom du Docteur pour Trenzalore, Le Jour du Docteur pour la question des régénérations – qu'on aurait pu carrément éviter).
Et c'est là une configuration assez inédite et dramatique : qu'un épisode n'ait pas lieu d'exister est déjà triste en soi, mais que dire quand l'épisode en question est censé faire les adieux d'un Docteur ? Même s'il est vrai que l'ère Smith a été extrêmement polémique et pas forcément réussie sur tous les plans, le 11ème Docteur méritait de partir en grande pompe. Il n'y a finalement pas eu énormément d'émotion véritable qui s'est dégagée sur cet épisode, dont les secondes les plus originales sont finalement dédiées à l'apparition de Capaldi. L'Heure du Docteur a été clairement une grosse déception pour beaucoup de fans, et ce n'est que trop compréhensible. On lui reconnaîtra juste le mérite d'avoir laissé au 12ème Docteur une feuille de route vierge, qui sera remplie, on l'espère, un peu plus habilement dans les temps à venir.
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Ex erant dicunt lucilius mel, sed ad primis delenit ponderum, et mel numquam insolens. Diceret elaboraret id eam, ne laudem eleifend vis.
12
l'heure du docteur
BYE BYE BOWTIE