Tropics Magazine #59 Tropics Magazine #59 | Page 59

TROPICS VOICES CHANTAL EPEE L’Afrique est dans son souffle Etre écrivant aimant le beau verbe et en quête per- douleurs et colères dans un monde souvent bien sufpétuelle de la musique des mots. La poésie lui est focant pour les afro descendants. Dans l’oppression par sa musique une habitation naturelle dans la- ambiante, j’ai le privilège d’avoir à ma disposition des quelle elle aime se poser pour la recevoir ou la dire. mots pour refuges et pour espaces de respiration. De Passionnée par ailleurs par les arts et cultures sub- nombreuses personnes n’ont pas cet avantage alors, sahariens et afrodiasporiques, elle a fondé et pré- je leur prête les miens pour qu’ensemble, nous avanside l’Association Afrodiaspor’Arts-Expressions of cions vers des nous apaisés. Blac k Cultures. Elle dirige aussi le Coeur à Coeur Vous savez, j’ai sans cesse envie de dire aux africains Acoustique dont elle a créé le concept. C’est une et aux afro descendants de ne pas baisser les bras, de rencontre musicale et humaine entre un artiste et ne pas quitter l’espérance et de ne jamais se laisser un public. dépouiller de leur dignité et encore moins asservir par TROPICS Magazine est allé à la rencontre de Chantal des tiers. J’ai le désir constant de présenter des figures EPEE, Auteure du premier écrin intitulé «Alm’Afrika», d’identification à ceux que j’appelle mes filles et fils un recueil pour l’Afrique qui n’est que la fusion des pour qu’ils relèvent la tête et se construisent de mapassions de l’auteure pour les mots dont elle aime nière apaisée. J’ai aussi envie qu’à travers Alm’Afrika, explorer la musique. les extra africains entendent l’Afrique autrement et «L’Afrique est dans mon souffle, aillent à la rencontre d’une Afrique que l’on respecte, Je suis dans son battement. et que l’on découvre loin de la doxa postcoloniale Peu importe la distance, (autant que l’on puisse dire « post ») née de ces histoires Elle m’est tatouée au cœur,» écrit-elle. à la gloire du chasseur qui ont asservi l’humanité entière et qui ont privé les êtres de la possibilité de s’enIl était une fois la poésie... et cette poésie devint visager en frères, offrant pour uniques ponts pour aller femme! Rencontre avec une pionnière de l’écriture les uns vers les autres, le mépris de soi ou de l’autre, la féminine africaine. peur, la haine et la colère. TROPICS: Chantal EPEE bienvenue sous les tropiques. Pour commencer, quels sont les trois mots principaux qui vous définissent? CHANTAL EPEE: Merci pour votre accueil. L’amour, la détermination, la foi. TROPICS: Vous êtes l’auteure de plusieurs textes et on ne se lasse jamais de vous lire. Dites-nous comment est né ce premier écrin, Alm’Afrika? CE: Merci pour vos mots à propos de mes écrits. Alm’Afrika est l’une des expressions, l’une des strophes du chant d’amour, de la mélopée africaine qui m’habite depuis longtemps. Le recueil est né du dialogue constant que j’entretiens avec la terre d’Afrique et avec l’africanité qui, tout en structurant, demeure en mouvement, se construisant sans cesse en moi et, se réinventant au fil des découvertes et au fil des écailles qui de mes yeux tombent. Le recueil Alm’Afrika est né du désir de partager avec les autres, et notamment avec les subsahariens et les afro descendants, cette Afrique que je porte et qui me porte, de partager avec eux les espérances qui m’habitent pour elle et pour ses fils. L’Afrique m’est tatouée à l’âme et au cœur. Elle habite profondément mes entrailles et s’enracine en moi chaque jour davantage. Alm’Afrika est de fait l’expression d’une âme d’africaine qui s’entrebâillel’espace d’un instant, pour laisser passer quelque chose de l’Afrique, de son Afrique et inviter à la guérison et au réveil. TROPICS: La poésie est un exercice qui ouvre de nombreuses portes et vos rimes, en particulier, font travailler la logique. Quelle place occupe l’Afrique dans votre travail, aujourd’hui, et vivez-vous pleinement cette africanité? CE : Je n’ai pas assigné une place à l’Afrique dans mon travail. L’Afrique est en moi, d’évidence. Elle fait partie de mon humanité, de mon être femme, de mon être moi. J’y suis née et un jour, l’Afrique est née en moi. De fait, elle influence nécessairement mon travail de manière consciente ou non, puisque je regarde TROPICS: Pourquoi avoir choisi de publier un recueil de poèmes ou autre chose? Et quelle est la vision derrière Alm’Afrika? CE: J’ai quelquefois l’impression de n’avoir pas choisi d’écrire de ma poésie. La poésie semble avoir choisi de s’écrire par moi. En fait, elle m’est devenue une langue naturelle pour dire ce qui m’habite. Elle me correspond peut-être parce que j’entends davantage la musique des mots dans cet exercice. La poésie est souvent la réponse première à un constat, à une émotion, à une indignation. Elle est aussi le vecteur d’une affirmation, d’un cri. La vision derrière Alm’Afrika était de proposer un recueil de texte dans lequel ceux qui le liraient, trouveraient, tout au moins je l’espère, des possibilités de relèvement, des pistes à explorer, et pourquoi pas, de salutaires catharsis pour leurs page 92 | Issue #59