ToutMa ToutMa n°52 - Novembre 2018 / Janvier 2019 | Page 14
portrait
DESIGN
ENTRETIEN _Virginie FAVRE
Stéphan MUNTANER
des images qui se racontent
Le M sur le Vieux-Port devant lequel les touristes se prennent en photo et
toute l’identité visuelle de MP 2018, c’est lui ! La signature graphique de
Lieux publics, Panier des sens ou La Compagnie de Provence, c’est lui ! L’expo
« Parade » au Mucem ou les pochettes d’album d’IAM pendant plus de 10
ans, dont le mythique L’École du micro d’argent, c’est encore lui ! Rencontre
avec le plus prolifique faiseur d’images de la planète Marseille…
ToutMa : On voit ton travail sur des af-
fiches dans la rue ou sur des toiles dans des
galeries… Graphiste ou artiste, comment
te définir ? TM : Il y a eu deux livres sur ton travail :
un avec le studio Tous des K et l’autre avec
C-Ktre mais tu n’as pas de site Internet.
C’est étrange pour un graphiste, non ?
Stéphan Muntaner : Je suis plutôt « un
point de vue ». (Rires) Comme je travaille
dans différents domaines d’expression vi-
suelle, je suis aussi bien plasticien qu’affi-
chiste, vidéaste que scénographe… C’est
réducteur mais si l’on devait cocher une
case ce serait graphiste/designer. L’affiche
est mon support préféré, elle reste un
super vecteur de création dans l’espace
public. Je l’aime depuis tout petit, lorsque,
boulevard Baille, je me promenais et que je
voyais « Défense d’afficher » sur les murs… SM : (Rires) Alors qu’on a eu, avec Didier
D. Daarwin, une Victoire de la musique
pour le site Internet d’Akhenaton en
2002 ! Ça fait 20 ans que je me dis qu’il
m’en faudrait un, mais le site étant un mé-
dia, il faudrait l’actualiser sans cesse et je
manque de temps. Avoir un site vitrine ne
m’intéresse pas. Donc j’y réfléchis mais ce
n’est pas un besoin…
www.lesmachines-nantes.fr
TM : Tes plus gros projets ?
SM : Je collabore depuis longtemps avec
La Machine, une compagnie de théâtre de
rue dirigée par François Delarozière.
Ce Marseillais m’a amené à Nantes avec
Les Machines de l’île, puis à Toulouse pour
l’ouverture, récente, de La Halle de la
machine. Je travaille sur un univers riche
de références pour que l’identité gra-
phique soit une valeur ajoutée au projet.
Mes affiches ne sont pas que de l’informa-
tion : c’est une partie intégrante du pro-
gramme !
Décembre 2018 / Janvier 2019 _TM n°52
TM : Des influences, un style ?
SM : J’en reviens à « mon point de vue ».
Mon style, c’est ma façon d’aborder les
choses, plutôt que la réponse graphique.
Je ne trouve pas qu’on puisse me définir
par une esthétique. J’ai un penchant pour
le rétro mais faire toujours la même chose,
comme Hergé qui a dessiné Tintin toute
sa vie, ce serait une torture ! Ce qui est à
la mode aujourd’hui sera ringard demain
alors que l’idée, elle, ne vieillira pas. C’est
pour cette raison que je présente d’abord
toutes mes créations oralement. Je ne suis
pas embauché pour un visuel mais pour
une histoire. J’aime la narration et conce-
voir des visuels qui sont compréhensibles
par le plus grand nombre mais en y met-
tant différents niveaux de lecture avec des
références un peu plus complexes… Mes
influences sont multiples et pas forcément
picturales. Elles viennent autant de l’his-
toire de l’art que de la culture populaire.
Par exemple, en cinéma, ça va aller de Mé-
liès à Tarantino. J’adore Kubrick autant
que l’humour des Monty Python…
TM : Tu travailles toujours seul, que le pro-
jet soit gros ou petit…
SM : Je n’ai aucune réticence à faire un
« petit » boulot, je me compare souvent
à un chef cuisinier qui aurait commencé
comme commis. En étant mon propre
chef je maîtrise toutes les étapes d’une
réalisation. Je sais ce qu’il est possible de
faire esthétiquement et dans le temps et le
budget impartis. Et puis, c’est compliqué
de déléguer tout en gardant une exigence
de qualité.
www.halledelamachine.fr
TM : Un coup de cœur ?
Toiles MP 2018 chez ArtCan Gallery
_www.artcan-gallery.com
TM : Tu donnes des cours à des étudiants
depuis de nombreuses années, qu’est-ce
qui a le plus changé ?
SM : L’arrivée du digital est évidemment
une révolution mais on continue à ensei-
gner les bases avec le pinceau et le crayon.
Et je ne mets que des bonnes notes, parce
que tant que ce n’est pas bien, il faut qu’ils
recommencent ! Il n’y a pas de mauvaise
réponse mais différents « points de vue »
(Rires), il faut que chacun développe le
sien…
SM : La cuisine ! Rien de mieux pour dé-
compresser que de faire le tour des petits
commerces de bouche entre le cours Julien
et Noailles, puis de rentrer chez moi pour
cuisiner. Ou bien l’architecture : j’aurais
adoré être architecte, je me sens proche de la
réflexion de Rudy Ricciotti, par exemple,
mais je n’étais pas assez bon à l’école !
TM : Tes futurs projets ?
SM : Des travaux personnels d’édition ! Je
suis parti en famille en Bulgarie photogra-
phier les bâtiments désaffectés de l’ex-URSS
et j’ai très envie d’en faire un livre comme un
album de vacances. J’ai aussi en tête un pro-
jet de sculpture sur la relation palace/bunker
mais il me faut du temps !
TM : Qu’est-ce qui te rend fier ?
SM : Mon père ! (NDLR : Bernard
Muntaner, éditeur, critique d’art, com-
missaire d’exposition, universitaire et an-
cien directeur du Frac) Il a reçu les insignes
de chevalier d’honneur des Arts et Lettres
pour sa carrière et j’aime le fait qu’un
simple prof de dessin, avec les préjugés que
ça véhicule, en soit arrivé là.
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