ToutMa ToutMa n°51 - Septembre / octobre 2018 | Page 44

histoire

NOTRE VILLE
TEXTE _ Romain BONY-CISTERNES

LE CANAL DE MARSEILLE de la Durance au palais Longchamp

Qui , en sillonnant nos belles routes de Provence , ne l ’ a jamais aperçu ? Au détour d ’ une pinède , d ’ un sentier de randonnée , d ’ un quartier résidentiel ( allez vers la Grotte Rolland , la Barasse ou encore la Treille ), d ’ un parc public ( songez à la Campagne Pastré !) ou d ’ un visionnage du Château de ma mère de Pagnol , on le voit qui serpente silencieusement , traverse et quadrille la ville , en y acheminant notre bien commun le plus précieux ( ou presque ) : il s ’ agit bien sûr du canal de Marseille .
L ’ histoire n ’ est pas si anecdotique qu ’ on pourrait le croire : c ’ est , en effet , au canal de Marseille que l ’ on doit la modernisation de l ’ infrastructure hydraulique de la ville et son approvisionnement en eau potable ( qui , paraît-il , est l ’ une des meilleures de France ). Des raisons suffisantes pour vous embarquer à bord d ’ une croisière sur le canal le plus emblématique de la cité phocéenne .
Carte du canal de Marseille
© gallica . bnf . fr / Bibliothèque nationale de France
L ’ eau potable à Marseille : une denrée rare

Enclavée entre mer et montagne , Marseille a jadis souffert de son manque d ’ accès à une eau potable , susceptible d ’ être consommée par ses habitants . Durant l ’ Antiquité et le Moyen Âge , le système d ’ acheminement de l ’ eau est des plus rudimentaires : construction de puits pour capter les nappes phréatiques , installation de citernes , construction d ’ aqueducs et de bassins d ’ eau douce pour capter l ’ eau pure des alentours … Ces solutions se révélèrent rapidement insuffisantes face à l ’ essor urbain de la ville : enclavée , densément peuplée , endurant un climat chaud et sec , Marseille ne dispose que de peu de ressources en eau douce . Ainsi , l ’ Huveaune , qui puise sa source dans le massif de l ’ Étoile et de la Sainte-Baume , et son affluent , le fameux Jarret ( davantage connu comme un grand axe routier de Marseille que comme une rivière ), ne suffisent plus à assurer l ’ approvisionnement en eau potable d ’ une ville qui se densifie et s ’ agrandit dès le xvii e siècle . Si l ’ Huveaune permettait de fournir aux Marseillais 75 litres d ’ eau par personne et par jour en moyenne ( la consommation moyenne actuelle est de 150 litres ), tant sa qualité que sa pérennité faisaient défaut . Polluée , l ’ Huveaune a également souffert , en 1834 , de la sécheresse qui réduisit la part d ’ eau potable consommable à la portion congrue d ’ un litre par personne et par jour , sans parler de l ’ épidémie de choléra qui s ’ ensuivit .

La quête d ’ une eau pure

Marseille avait , alors , plus que jamais besoin d ’ un système d ’ approvisionnement en eau potable fiable , pérenne et suffisamment important pour alimenter l ’ ensemble des Marseillais . Comme il fallait aussi une eau pure , idéalement puisée au cœur des montagnes et de la haute-Provence , alimentée par la fonte des neiges , la Durance fut la mieux placée pour satisfaire cet objectif : Maximin Dominique

Septembre / Octobre 2018 _ TM n ° 51
Consolat , maire de Marseille de 1832 à 1843 , décida en 1834 que « quoi qu ’ il advienne , quoi qu ’ il en coûte » il ferait venir à Marseille l ’ eau de la rivière la plus proche , la Durance , pourtant lointaine et séparée de la ville par de nombreux chaînons montagneux ( chaîne des Côtes , plateau de l ’ Arbois , massif de l ’ Étoile ). L ’ eau devait être captée à un point suffisamment culminant , sur la Durance , pour pouvoir , par simple application de la gravité , effectuer tout le parcours , contournant ou traversant les collines intermédiaires , et descendre jusqu ’ à Marseille , à Saint-Antoine , point culminant de la ville ( avec une altitude de 150 mètres ), de manière à la desservir en totalité . Ce qui fut dit fut fait et les travaux débutèrent en 1839 sous la houlette de l ’ ingénieur Franz Mayor de Montricher .
Une prouesse du génie civil

Faire venir l ’ eau de la Durance à Marseille ne fut pas une sinécure : contourner les massifs , creuser des souterrains , construire des ouvrages d ’ art , aménager les berges , protéger le passage du canal , renforcer l ’ infrastructure … quinze années furent nécessaires pour que s ’ étalent les 80 kilomètres ( dont 20 de souterrains ) du canal . Le canal de Marseille n ’ étant pas un long fleuve tranquille , il fallut , pour enjamber la vallée de l ’ Arc et permettre au canal de

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relier les deux plateaux environnants , bâtir l ’ aqueduc de Roquefavour , œuvre architecturale inspirée du pont du Gard romain et considérée depuis comme un des monuments à visiter dans la région aixoise . L ’ aqueduc a une longueur de 393 mètres et le canal passe à 82,65 mètres au-dessus de l ’ Arc .

Les matériaux de construction utilisés furent le béton pour le canal , la pierre et la brique pour les ouvrages aériens . Côté technique , le débit de cet ouvrage est de 10 m 3 / s , sa largeur au sommet de 9,40 m et sa largeur à la cunette de 3 m . Puisant sa source près de Pertuis , il serpente à travers les collines en passant au-dessus de la Roque-d ’ Anthéron pour bifurquer vers le sud en passant sous un long tunnel traversant la chaîne des Côtes . Il traverse ensuite les vallons

L ’ aqueduc de Roquefavour
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