ToutMa ToutMa n°49 - Avril / Mai 2018 | Page 44

histoire NOTRE VILLE TEXTE _Romain BONY-CISTERNES Le Vieux-Port, 1900 Quand Marseille était la porte de l’Orient (1850-1950) Retour sur un siècle oublié de l’histoire du port de Marseille C’est un port, l’un des plus beaux du bord des eaux. Il est illustre sur tous les parallèles. À tout instant du jour et de la nuit, des bateaux labourent pour lui au plus loin des mers. Il est l’un des grands seigneurs du large. Phare français, il balaye de sa lumière les cinq parties de la Terre. Il s’appelle le port de Marseille.  Marseille, porte du Sud, Albert Londres, Éditions J. Laffitte, 1927 D ifficile d’imaginer, en lisant ces mots d’Albert Londres qui prennent la forme d’une ode au port de Marseille, que la cité phocéenne fut jadis, grâce à lui, la capitale maritime de l’Empire français et la porte de l’Orient. Le port de Marseille, après quelques décennies de déshérence et de critiques, a désormais entamé sa réorientation stratégique vers le tourisme croisiériste et sa recomposition territoriale (réaménagement du port, extension, rénovation), dans le cadre du projet urbain Euroméditerranée. Malgré cela, il peine encore à affir- mer sa place centrale au sein des espaces méditerranéen et européen. Pourtant, cette centralité européenne, méditerranéenne, et même mondiale, ne faisait au- cun doute par le passé. Cette période de l’histoire de Marseille est néanmoins bien souvent occultée. À l’apogée de l’empire colonial français, le port de Marseille était en effet l’un des plus flamboyants du monde. Il s’illustrait tant par la diversité de son rayon- nement, la qualité de ses infrastructures (portuaires ou navigantes) que par la singularité des marchandises et Avril / Mai 2018 _TM n°49 des hommes qui y effectuaient un passage, plus ou moins long. Cette période de l’histoire du port et de la ville permit de nourrir de nombreux mythes et d’alimenter l’image d’une ville dynamique, cosmopolite, et hété- roclite où se mêlaient senteurs exotiques, histoires de marins et trafics en tout genre. Expansion coloniale et transformation du port de Marseille E ntamée sous la Restauration, la politique d’expan- sion coloniale de la France trouve véritablement son essor sous le Second Empire. Marseille devient le point de départ des expéditions et l’interface entre la métropole et ses colonies. Le port est donc amené à changer pour s’adapter à cette nouvelle donne : le Lacydon (Vieux-Port) ne suffit plus. De grands travaux d’extension (l’aménagement de môles, par exemple) sont entamés vers la Joliette, Arenc et le Lazaret, pour accueillir le nouveau trafic maritime. L’afflux de mar- 42 chandises rend nécessaire l’aménagement des quais pour juguler l’augmentation significative du tonnage. En 1855, l’État consent une concession à un consor- tium d’armateurs pour la construction des Docks, qui ouvrent en 1863. Parallèlement, s’opère une révolution des techniques qui font du bateau à vapeur le modèle du transport maritime, permettant à la fois la rapidité et la fiabilité nécessaires à l’ouverture de nombreuses lignes de navigation au long cours. L e progrès technique induit par la vapeur augmente significativement le coût des navires. En consé- quence, les armateurs, constitués en sociétés forte- ment capitalisées, deviennent les maîtres du port et de grandes compagnies de navigation voient le jour à Marseille. Ces noms résonnent dans les mémoires et ornent encore parfois les façades de vieux bâtiments du port : les Messageries impériales, devenues Messageries maritimes, la Société générale de transports maritimes à vapeur, les Chargeurs réunis, la Compagnie générale transatlantique… Ces sociétés créent un réseau de Retrouvez tous nos reportages sur www.toutma.fr