culture
ACTU LITTÉRAIRE
TEXTES _Anne MARTINETTI & Caroline BOUTEILLÉ
La Splendeur des égarés
de Sylvie Cohen
C
* Sylvie Cohen, prix du Roman policier de l’académie
de Marseille en 2006 pour Dernier Combat devient la
même année chroniqueuse littéraire pour le quotidien
La Marseillaise. Ayant vécu dans plusieurs villes du Sud,
son œuvre tout entière garde la marque d’une atmos-
phère provençale.
’est la lumière qui attrape le lecteur, d’abord, dans
La Splendeur des égarés. La lumière marseillaise, sans
aucun doute, ville où l’auteure a vécu de 1988 à 2011, près
de Notre-Dame de la Garde. Sylvie Cohen* conjugue cette
lumière à celle de l’Italie, pour une histoire pleine « de bruit
et de fureur », pour reprendre les mots de Macbeth. Puis la
lumière se transforme en brasier : un adolescent se donne
la mort, de la manière la plus effrayante qui soit. Le feu.
Lumières et ténèbres, celles dans lesquelles il plonge ses
proches, et surtout sa mère, Héléna. Comment accepter la
mort de son enfant ? C’est impossible, elle s’y refuse donc,
ce n’est pas lui dont le corps s’est consumé sur la Piazza
del Popolo, c’est un autre. Il a disparu, elle le cherchera
donc, indifférente à tout et à tous, persuadée qu’il s’agit
d’une fugue. Elle s’en persuade en tous cas… Ce parcours
de parent orphelin, c’est aussi celui de l’autre personnage
principal, Nathan. L’eau a eu raison de sa fille Marie, qui
s’est noyée, suicide ou accident. Nathan a croisé Héléna à
Rome, a essayé de l’aider. Mais il s’adressait à une ombre.
Désormais son double de chagrin il sait qu’elle seule peut
le comprendre, il part à sa recherche. Cette double quête
de Nathan et d’Héléna, c’est celle du sens de la vie, quand
elle vous a pris ce que vous avez de plus précieux, votre
enfant. Que vous reste-t-il ? « On ne s’en sort jamais. On
fait semblant, comme au poker », déclare à Nathan un des
personnages qu’il croisera lors de son enquête. Nathan
veut savoir qui est Héléna, la retrouver, partager son cha-
grin, l’aimer peut-être ? Héléna veut se reconstruire, de
casting en audition elle cherche des rôles pour être à jamais
une autre. Ou pour retrouver la femme qu’elle était avant
d’être la mère qu’elle ne sera plus.
S
ylvie Cohen pense en noir, mais son écriture abrupte,
tout en phrases courtes et définitives, secoue le lecteur,
l’empêche de compatir au chagrin de ses personnages, le
garde en vie. À la fois complice, juge et partie, elle parvient
à nous attacher immédiatement aux destins croisés de ses
deux héros, qui nous ressemblent dans leurs contradic-
tions, leur humanité, leur tristesse, mais aussi leur énergie
de vivre jusque dans le pire des deuils. Non, il n’est pas
question de céder à la mort, fut-elle celle d’un enfant. Oui,
le soleil méditerranéen chauffe encore, il irradie, même,
l’a