histoire
NOTRE VILLE
TEXTE _Romain BONY-CISTERNES
Le Vieux-Port, 1900
Quand Marseille était la porte de l’Orient (1850-1950)
Retour sur un siècle oublié de l’histoire du port de Marseille
C’est un port, l’un des plus beaux du bord des eaux. Il est illustre sur tous les parallèles. À tout instant du jour et
de la nuit, des bateaux labourent pour lui au plus loin des mers. Il est l’un des grands seigneurs du large. Phare
français, il balaye de sa lumière les cinq parties de la Terre. Il s’appelle le port de Marseille.
Marseille, porte du Sud, Albert Londres, Éditions J. Laffitte, 1927
D
ifficile d’imaginer, en lisant ces mots d’Albert
Londres qui prennent la forme d’une ode au port
de Marseille, que la cité phocéenne fut jadis, grâce à lui,
la capitale maritime de l’Empire français et la porte de
l’Orient. Le port de Marseille, après quelques décennies
de déshérence et de critiques, a désormais entamé sa
réorientation stratégique vers le tourisme croisiériste et
sa recomposition territoriale (réaménagement du port,
extension, rénovation), dans le cadre du projet urbain
Euroméditerranée. Malgré cela, il peine encore à affir-
mer sa place centrale au sein des espaces méditerranéen
et européen. Pourtant, cette centralité européenne,
méditerranéenne, et même mondiale, ne faisait au-
cun doute par le passé. Cette période de l’histoire de
Marseille est néanmoins bien souvent occultée.
À
l’apogée de l’empire colonial français, le port de
Marseille était en effet l’un des plus flamboyants du
monde. Il s’illustrait tant par la diversité de son rayon-
nement, la qualité de ses infrastructures (portuaires ou
navigantes) que par la singularité des marchandises et
Avril / Mai 2018 _TM n°49
des hommes qui y effectuaient un passage, plus ou moins
long. Cette période de l’histoire du port et de la ville
permit de nourrir de nombreux mythes et d’alimenter
l’image d’une ville dynamique, cosmopolite, et hété-
roclite où se mêlaient senteurs exotiques, histoires de
marins et trafics en tout genre.
Expansion coloniale et transformation
du port de Marseille
E
ntamée sous la Restauration, la politique d’expan-
sion coloniale de la France trouve véritablement
son essor sous le Second Empire. Marseille devient
le point de départ des expéditions et l’interface entre
la métropole et ses colonies. Le port est donc amené
à changer pour s’adapter à cette nouvelle donne : le
Lacydon (Vieux-Port) ne suffit plus. De grands travaux
d’extension (l’aménagement de môles, par exemple)
sont entamés vers la Joliette, Arenc et le Lazaret, pour
accueillir le nouveau trafic maritime. L’afflux de mar-
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chandises rend nécessaire l’aménagement des quais
pour juguler l’augmentation significative du tonnage.
En 1855, l’État consent une concession à un consor-
tium d’armateurs pour la construction des Docks, qui
ouvrent en 1863. Parallèlement, s’opère une révolution
des techniques qui font du bateau à vapeur le modèle du
transport maritime, permettant à la fois la rapidité et la
fiabilité nécessaires à l’ouverture de nombreuses lignes
de navigation au long cours.
L
e progrès technique induit par la vapeur augmente
significativement le coût des navires. En consé-
quence, les armateurs, constitués en sociétés forte-
ment capitalisées, deviennent les maîtres du port et
de grandes compagnies de navigation voient le jour à
Marseille. Ces noms résonnent dans les mémoires et
ornent encore parfois les façades de vieux bâtiments du
port : les Messageries impériales, devenues Messageries
maritimes, la Société générale de transports maritimes
à vapeur, les Chargeurs réunis, la Compagnie générale
transatlantique… Ces sociétés créent un réseau de
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