LA CHRONIQUE DE JAMES HYNDMAN
© Tennis Québec / James Hajjar
LA CHRONIQUE DE JAMES HYNDMAN
LE COMÉDIEN JAMES HYNDMAN N ’ EST PAS SEULEMENT FÉRU DE THÉÂTRE ET DE CINÉMA . IL EST AUSSI AMOUREUX DE TENNIS ET DE LITTÉRATURE . IL NOUS EN FAIT LA DÉMONSTRATION À TRAVERS CETTE CHRONIQUE QU ' ON LUI A CONFIÉE EN NOVEMBRE 2015 .
VOLCAN
- Et donc ?
- Ben il mène 6-1 , 5-2 et c ’ est à lui de servir , autant dire que les carottes sont cuites . T ’ as vu son service ?
- Une bombe .
- En plus , il est déchaîné . Il passe que des premières balles …
- Le cauchemar . - Qu ’ est-ce que tu peux faire ? - Rien . - Tu t ’ accroches , tu attends que ça passe … - Mais là , ça passe pas .
- Exactement . Zéro baisse de régime , une vraie machine …
- Il vient pas de divorcer ? - Ah bon ?
- Pas du genre à en parler : tout à l ’ intérieur . Un volcan . Alors ?
- Ben alors , changement de côté … je m ’ assois pour souffler , et lui … lui il passe tout droit . Il contourne le filet et il va se planter sur la ligne de fond , prêt à servir …
- Pression .
- Pression de quoi ? Il a déjà gagné , c ’ est une formalité …
- Pression . Volcan en ébullition . Magma . Alors ? - Alors moi je bouge pas … je fais comme d ’ habitude , petite gorgée d ’ eau , serviette … Y ’ a Marc et Louis qui jouent sur le 8 , beau match – on devrait faire un double tous les quatre un de ces jours …
- Et donc ?
- Et donc , il se passe un truc pas ordinaire . Je suis là , tranquille , assis sur ma chaise , dans les temps et tout , et lui , tout d ’ un coup , il sert un boulet , et tout de suite il annonce : 15 zéro …
- 15 zéro ?
- Oui , il dit 15 zéro . En fait , il le dit pas , il éructe : 15 zéro …
- Il éructe 15 zéro .
- Oui . Il est rouge comme une tomate , il hurle 15 zéro , et boum , il sert un autre boulet , côté avantage …
- …
- C ’ est bizarre parce que j ’ ai pas osé réagir . Comme si je sentais qu ’ il fallait rien faire …
- Avec un volcan y ’ a rien à faire : il érupte .
- Et il continue : trente , quarante , jeu … et match …
- Il est allé jusqu ’ au bout . - Jusqu ’ au bout . - Il pouvait pas s ’ arrêter . - Tu crois ? - Il était trop tard , il était parti .
- Et alors il revient s ’ asseoir … - Bien sûr . - Sans dire un mot … - Normal . - Il s ’ assoit comme si de rien n ’ était … - Voilà .
- Il vide sa bouteille , il s ’ éponge le front , les bras , les cuisses , le regard droit devant lui … Moi je dis toujours rien . J ’ ose pas . J ’ ose à peine le regarder . Je dis rien . J ’ attends …
- T ’ as bien fait . Fallait pas parler .
- Et alors il plie bagage … Il fait son petit ménage , il range tout comme il faut dans son sac , il se lève , il balance le sac sur ses épaules , et il s ’ en va …
- Tout à l ’ intérieur . - Et il dit en partant : on se voit mercredi , alors …
- C ’ est ça . À mercredi . Le match , il était pas contre toi . Il était avec lui-même .
- Jamais vu ça . - C ’ est beau quand même . - Ah bon ? Tu crois ?… - Un aigle blessé . - Oui mais … - Un loup solitaire .
- Peut-être sauf que pour mercredi … j ’ ai comme un doute …
N º 110 - Avril 2018 - Par Tennis Québec
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