LA CHRONIQUE DE JAMES HYNDMAN
© Tennis Québec / James Hajjar
LA CHRONIQUE DE JAMES HYNDMAN
VAUTRÉS DANS UN DIVAN , AGGLUTINÉS LES UNS CONTRE LES AUTRES , PETE SAMPRAS , ANDRÉ AGASSI , JIM COURIER ET UN CERTAIN JEAN-FRANÇOIS MATHIEU SE DÉLASSENT ET TUENT LE TEMPS ENTRE DEUX MATCHS .
Photo perdue
Oubliée au fond d ’ un tiroir empoussiéré ou égarée entre les pages d ’ un vieil album écorné , il existe une photo perdue qui décrocherait un sourire à l ’ amateur éclairé : vautrés dans un divan , agglutinés les uns contre les autres , Pete Sampras , André Agassi , Jim Courier et un certain Jean-François Mathieu se délassent et tuent le temps entre deux matchs comme seuls les ados savent le faire , se chahutant les uns les autres tandis qu ’ un photographe anonyme les immortalise , déclenchant le flash qui fera dire à Jean-François , trente ans plus tard , que la photo existe bel et bien même s ’ il ne l ’ a jamais vue de ses yeux . Nous sommes à Dallas-Fort Worth , au Texas , au début des années 80 , dans le salon des joueurs d ’ un tournoi des moins de 14 ans sanctionné par la USTA . À 13 ans , Mathieu est non seulement déjà champion québécois des moins de 18 ans , mais l ’ un des meilleurs internationaux – sinon le meilleur – de sa catégorie , affichant à son tableau de chasse ses compagnons de photo ( à l ’ exception de Sampras qu ’ il n ’ a jamais affronté ) aux côtés des Michael Chang , MaliVai Washington et autres Todd Martin . D ’ ici peu , les quatre mousquetaires d ’ un jour fourbiront leurs armes sur le circuit pro . Agassi le précoce y fera sensation avant les autres à Schenectady , dans l ’ État de New York . À son deuxième tournoi seulement , âgé d ’ à peine
* Cette récompense était remise d ’ office aux entraîneurs d ’ athlètes couronnés Champions canadiens Rogers . Jean-François Mathieu a reçu ce titre à trois reprises : 2011 – Championnat canadien extérieur Rogers chez les 12 ans et moins ( Alexis Galarneau ) / 2012 – Championnats canadiens en salle et extérieur Rogers chez les 12 ans et moins ( Nicaise Muamba )
DEPUIS LONGTEMPS DÉJÀ , IL CONSACRE LA PART BELLE DE SON TALENT AUX ESPOIRS DE DEMAIN .
16 ans , il écrira l ’ histoire – la sienne – en s ’ offrant une première grande finale . Pour Jean-François , hélas , l ’ aventure qui commence tire déjà à sa fin . Il lui manque le gabarit et il dit candidement de lui-même qu ’ il bradait sans doute son talent , brûlant la chandelle par les deux bouts , davantage soucieux de son plaisir que de travail , d ’ une arrogance propre à la jeunesse et aux surdoués qui l ’ aura peut-être desservi davantage qu ’ elle ne l ’ aura propulsé . Allez savoir . On ne refait pas l ’ histoire . N ’ étant pas du genre nostalgique , s ’ apitoyant encore moins sur son sort , Jean-François fait son bonhomme de chemin , écumant les tournois secondaires où il y a une piastre à faire , se jouant des défis qui lui sont lancés , attisant l ’ orgueil de ses adversaires en leur concédant l ’ avantage , éraflant au passage l ’ amour propre ou la vanité de ceux et celles qui jamais ne réussiront à lui prendre un jeu ou une manche . Insulaire de nature , il a fait de l ’ Île-des-Sœurs son nid et du club qui porte son nom , son terrain de jeu . Au fil des ans , son effronterie corrosive s ’ est émoussée . Le regard pétillant et le panache , eux , lui sont restés . Champion canadien chez les 35 puis chez les 40 ans et plus , il est vice-champion du monde à Majorque en 2009 . Sa forme , ses habiletés , sa rapidité , son intelligence du jeu en font – aujourd ’ hui encore – un joueur explosif et redoutable . Ses années débridées derrière lui , il prêche désormais par l ’ exemple , se soumettant de lui-même à une discipline exemplaire . Depuis longtemps déjà , il consacre la part belle de son talent aux espoirs de demain . Honoré plus d ’ une fois à titre d ’ entraîneur de l ’ année * ( discret et solitaire comme pas un , il a décliné chacune des invitations aux cérémonies de remise de prix ), mentor patient et exigeant , je le vois tous les jours emporter l ’ adhésion de jeunes protégés qui lui vouent un respect n ’ ayant d ’ égal que l ’ affection qu ’ ils lui portent .
>> ( La suite en page 73 )
No 107 - Juin 2017 - Par Tennis Québec
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