et aimable et quand il lui proposa le mariage, peu avant d’aller prendre
son poste au Lyceum, elle accepta.
On dit que Wilde fut dévasté par cette double trahison, celle de sa
fiancée et celle d’un ami. Sans doute, dans son chagrin, entrait-il aussi
un peu d’orgueil blessé à l’idée qu’on lui avait préféré un autre, sans
aucun doute moins flamboyant que lui. Il réclama en tout cas à Florrie
la petite croix d’or qu’il lui avait offerte en gage de son attachement
mais ne manqua pas de lui faire des adieux émus en quittant Dublin.
Bien que vous n’ayez pas cru devoir m’annoncer votre mariage, je
ne peux quitter l’Irlande sans vous envoyer mes vœux de
bonheur ; quoi qu’il arrive, le moins que je puisse dire est que je ne
peux me désintéresser de votre bien-être ; nos vies se sont
écoulées trop longtemps l’une près de l’autre. Nous vivrons
désormais séparés […] et bien que nous ne nous retrouvions jamais
à l’avenir, néanmoins je me souviendrais toujours de vous dans
mes prières.
Cependant, Wilde n’avait pas la rancune tenace. Il garda toujours pour
Florrie une tendresse particulière et la conserva pour amie pendant de
longues années. Quand elle se lança dans la carrière théâtrale en
1881, il lui fit livrer par l’intermédiaire d’Ellen Terry un bouquet de
fleurs en soupirant “Elle croit que je ne l’ai jamais aimée, que je l’ai
oubliée. Mon Dieu, comment le pourrais-je ?”.
Et il ajouta, dans le billet à Ellen Terry, à laquelle il avait aussi offert
un bouquet : Je vous envoie quelques fleurs, deux bouquets. Voulez-
vous en accepter un, celui qui vous conviendra le mieux ? L’autre, ne me
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