RUE DES BEAUX ARTS 71 n°71 | Page 8

certaine amertume  ? Rien ne permet de l’affirmer. Il ne manifesta jamais ouvertement de jalousie ou de rancune. Cependant, il lui était parfois arrivé de n’être pas tendre pour Beardsley qu’il trouvait laid avec son visage « en lame de couteau d’argent » et sa « tignasse d’herbe verte ». Il n’était pas très élégant non plus de déclarer qu’il avait inventé Beardsley, même si c’était vrai dans une certaine mesure. Quoi qu’il en soit, les deux hommes restèrent en contact, et Beardsley apparaissait régulièrement aux côtés des amis de Wilde aux premières de ses pièces. Quoi que toujours un peu à part, Beardsley faisait en quelque sorte partie du cercle de Wilde. Cette proximité – même si elle le situait dans le deuxième cercle, non pas dans la garde rapprochée – ne fut pas sans lui valoir quelques ennuis après l’arrestation de Wilde. Quand celui-ci fut interpellé par la police, au Cadogan Hotel, Wilde était en train de lire un ouvrage à couverture jaune, probablement un roman de Pierre Loüys. Or, Beardsley était à ce moment-là directeur artistique d’un journal artistique nommé « The Yellow Book » qu’on assimila aussitôt au livre suspect. Une foule vengeresse se digigea alors vers les bureaux éditoriaux du « Yellow Book » dont elle brisa les vitres. Plusieurs collaborateurs de la revue menacèrent de démissionner si Beardsley y restait, alors même qu’il n’avait collaboré qu’une seule fois avec Wilde, et que celui-ci n’avait jamais fourni aucun texte à la revue. Heureusement, il fut engagé quelques mois plus tard par un nouveau périodique appelé «  The Savoy  », mais il était maintenant associé au «  crime  » de Wilde. Tout ceux qui touchaient à son nom étaient devenus suspects. 8