certaine amertume ? Rien ne permet de l’affirmer. Il ne manifesta
jamais ouvertement de jalousie ou de rancune. Cependant, il lui
était parfois arrivé de n’être pas tendre pour Beardsley qu’il trouvait
laid avec son visage « en lame de couteau d’argent » et sa « tignasse
d’herbe verte ». Il n’était pas très élégant non plus de déclarer qu’il
avait inventé Beardsley, même si c’était vrai dans une certaine
mesure. Quoi qu’il en soit, les deux hommes restèrent en contact,
et Beardsley apparaissait régulièrement aux côtés des amis de
Wilde aux premières de ses pièces. Quoi que toujours un peu à
part, Beardsley faisait en quelque sorte partie du cercle de Wilde.
Cette proximité – même si elle le situait dans le deuxième cercle,
non pas dans la garde rapprochée – ne fut pas sans lui valoir
quelques ennuis après l’arrestation de Wilde. Quand celui-ci fut
interpellé par la police, au Cadogan Hotel, Wilde était en train de
lire un ouvrage à couverture jaune,
probablement un roman de
Pierre Loüys. Or, Beardsley était à ce moment-là directeur
artistique d’un journal artistique nommé « The Yellow Book » qu’on
assimila aussitôt au livre suspect. Une foule vengeresse se digigea
alors vers les bureaux éditoriaux du « Yellow Book » dont elle brisa
les vitres. Plusieurs collaborateurs de la revue menacèrent de
démissionner si Beardsley y restait, alors même qu’il n’avait
collaboré qu’une seule fois avec Wilde, et que celui-ci n’avait jamais
fourni aucun texte à la revue. Heureusement, il fut engagé quelques
mois plus tard par un nouveau périodique appelé « The Savoy »,
mais il était maintenant associé au « crime » de Wilde. Tout ceux
qui touchaient à son nom étaient devenus suspects.
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