RUE DES BEAUX ARTS 71 n°71 | Page 59

Par conséquent, si Wilde a intégré un certain nombre de maniérismes de du Maurier, la chute de l’intérêt que le caricaturiste portait à l’esthétisme, a peut-être participé à diminuer celui de Wilde à perpétuer ces maniérismes. La transition d’une phase à l’autre peut s’expliquer pour Wilde par son besoin d’opérer dans un environnement connu, et nous verrons comment cela a servi à le définir non seulement pour ses contemporains, mais aussi pour lui-même. Autant pour du Maurier que pour Wilde, l’habitude primait sur la nouveauté  : les dessins ultérieurs de du Maurier peignent comme ordinaires les scènes dont il avait jadis pointé le ridicule. Si, comme le rapporte l’historien de «  Punch  », R.R.G. Price, le magazine ne nourrissait pas un grand intérêt pour les arts et n’a jamais dépassé les stéréotypes avec les artistes, du Maurier doit partager le blâme avec son éditeur, F.C. Burnand, qui regardait l’esthétisme comme un ‘culte’ repris par des ‘escrocs’. L’autre grand cartoniste social de cette période, Charles Keene, mort en 1891, ne semble pas s’être intéressé aux esthètes pour les types qu’il représentait, et la domination iconographique de du Maurier, rétrécit le champ d’interrelation de Wilde. «  Lequel d’entre vous a inventé l’autre ? » leur demanda un jour Whistler, comprenant comment Wilde se construisait lui-même sur des schémas existants d’émulation et d’opposition. Le point de vue de Burnand le conduisit à écrire une pièce satirisant les esthètes, The Colonel, avec James Fernandez jouant un personnage wildien. La première eut lieu à Londres en février 1881. Encore une fois, et de façon précoce, c’était Wilde qui était parodié. La pièce remporta un énorme succès et une compagnie de tournée prit la route tandis que la compagnie initiale poursuivit à Londres au Prince of 59