simple qu’énonce une série d’aphorismes (52), ou bien par référence au
théâtre français qui, dans bien des occasions à la fin du 19 ème siècle
représente la licence sexuelle (62) 1 :
JACK : Si j’épouse une jeune fille aussi charmante que
Gwendolen, et de toutes les familles que j’ai rencontrées, c’est
la seule que je sois prêt à épouser, je n’aurai certainement
pas besoin de connaître Bunbury.
ALGERNON : Alors c’est ta femme qui en aura besoin. Tu ne
sembles pas te rendre compte que dans la vie conjugale, à
trois on s’amuse, à deux on s’ennuie. (62)
Cette dernière formule permet d’entrer dans le travail de condensation
propre à Wilde, car elle est en fait le renversement d’un proverbe
anglais : « two is company and three is a crowd/ À deux on est
accompagné, et à trois on est trop nombreux ». Ce renversement lui
donne tout à la fois la familiarité de ce qui est connu, et l’étrangeté
d’un sens qui s’ajoute aux signifiés dérivés et supposés qui, dans ce
contexte précis, le ravivent. On peut sans réserve rapprocher cet
exemple de la « technique compliquée » 2 , dont parle Freud, « destinée à
paralyser l’inhibition suscitée par la raison critique » (330). Or, ce trait
d’esprit n’est pas sans objet : il pointe le couple, l’union des hommes et
des femmes, et ce qui s’y dit implicitement, c’est que le désir n’est
jamais là où il se trouve, que le mariage et l’amour sont deux choses
différentes 3 . Gwendolen résume cela de manière apparemment
anodine: « chaque fois que les gens me parlent du temps, j’ai la
Sur cette question, lire I. Gay, « From Dumas Fils’ Étrangère to Wilde’s Aventurière : French theatre forerunners of the
Wildean Female Dandy », in Studies in the Theatre of Oscar Wilde, op. cit., 84.
1
2
S. Freud, Le Mot d’esprit, 277-278.
Le débat sur cette question est reflété dans la pièce de Shaw, The Irrational Knot (1880). Voir Ch. Innes, « Nothing but
Talk, Talk, Talk – Shaw Talk, Dicussion Plays and the Making of Modern Drama », in George Bernard Shaw, Plays,
Norton Edition.
3
39