RUE DES BEAUX ARTS 71 n°71 | Page 36

À première vue, ce qui précipite l’intrigue c’est l’absence d’origine du personnage principal : Jack a été trouvé, bébé, dans un sac de voyage ; il s’avère par un retournement ubuesque à la fin de la pièce qu’il est le frère d’Algernon, autrement dit tout ceci n’était qu’une histoire de famille. Cependant, cette question des origines n’est pas qu’une question sociale. En effet, c’est le trou laissé dans l’histoire de Jack qui explique le désordre de la pièce et les stratégies des personnages pour ne rien y laisser paraître  : «  (Algernon) n’a rien, mais on dirait qu’il a tout. Que peut-on désirer de plus ? » (172) Le sens de la réplique n’est pas clair même si elle fait rire : signifie-t-elle qu’on ne peut jamais rien avoir  ? Cela remettrait en cause l’ordre capitaliste de notre société. Peut-être la formule inversée serait-elle  : «  il a tout mais n’a l’air de rien ». La question ne sera pas résolue dans le texte car la réplique ne participe pas au développement de l’intrigue et se trouve rejetée, comme tant d’autres, au rang de blague absurde. Cette énigme qui sonne juste fonctionne donc de manière comique, et dévoile un savoir sur le rapport à la castration et à l’image que l’Œdipe construit. Le texte est parcouru de références au nonsense, ce qui est malheureusement traduit en français par «  sottises  ». Nonsense, absurde, voilà l’accusation dont est victime Algernon qui se rit des conventions sociales par des formules pas toujours «  intelligentes  », mais « bien tournées » : « Toutes les femmes deviennent comme leurs mères. C’est leur tragédie. Les hommes non. C’est leur drame à eux. » (83) Il y a quelque chose de l’ordre du monde et de sa loi, de ce qui a trait à l’Œdipe, qui ne tient plus : « Le complexe d’Œdipe ordonne : il met de l’ordre et il commande » nous éclaire M. Lapeyre, qui montre très bien 36