ses obligations, Bunbury. C’est ce stratagème qui amène le désordre,
car l’organisation de Jack, fût-elle fondée sur un mensonge, n’est plus
assurée. Gwendolen accepte d’épouser Ernest (Jack) car elle est
amoureuse de son prénom. Algernon, lui, se rend à la propriété de
Jack en se faisant passer pour Ernest. Cecily, la jeune fille sous
tutelle, et Algernon tombent immédiatement amoureux. Un jeu de
miroir ajoute au comique de situations, puisque Cecily est également
amoureuse d’un prénom : voilà donc deux prétendantes alors que
personne ne s’appelle Ernest ! La suite est une série de méprises et
quiproquos qui amènent les deux héros à vouloir changer de nom,
mais Jack découvre, à temps, qu’il s’appelle en fait bien Ernest, un
retournement que seul le genre comique peut rendre acceptable.
Comme « E(a)rnest » est également un nom commun, les effets de sens
se multiplient, pour provoquer encore plus d’ambiguïtés. Tout cela est
plaisant, mais ne rend pas compte de la postérité de cette pièce. Wilde
se désintéresse de l’intrigue amoureuse entre Algernon et Cecily, qu’il
ne résout pas, et aucun mariage n’est célébré : tout se passe comme si
toute cette comédie n’était que beaucoup de bruit pour rien.
Freud, à la même époque, nous indique qu’il ne faut pas se tromper en
prenant le comique à la légère, et lui accorde tout le sérieux d’une
étude précise et systématique : le mot d’esprit est un sous-genre du
comique qui permet d’étudier « l’économie d’inhibition », qui tourne
« des limitations et (ouvre) des sources de plaisir devenues
inaccessibles » 1 . Reprenant ce texte, Lacan dira « l’essence du trait
d’esprit… désigne et toujours à côté ce qui n’est vu qu’en regardant
ailleurs. » La structure comique relativement traditionnelle de la pièce
est-elle une manière de nous faire regarder « ailleurs » ? Elle relève
1
S. Freud, Le Mot d’esprit, p.326 et 199.
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