travers d’une société afin de déclencher le rire. La structure de leurs
pièces obéit à une économie simple du désordre qui doit se rétablir 1 .
La comédie serait avant tout une critique sociale : Shaw entretint une
collusion avec le socialisme naissant grâce à son « théâtre des idées »
et l’esthétique était bien politique pour lui 2 : « Je ne rends pas Wilde
responsable, explique Shaw. Il écrivait pour la scène comme un artiste.
Moi, je ne suis qu’un propagandiste. » 3 Toutefois, le théâtre de ces
deux comiques ne se limite pas à sa dimension politique. La
représentation sociale n’est, pour Wilde principalement, que l’autre
face d’une problématique interne au sujet qui concerne le sexuel, non
pas au sens de la sexualité et de ses pratiques, mais au sens où le
définissent Freud et Lacan 4 . L’esthétique du trait d’esprit accomplit
une fonction de plaisir qui va de pair avec l’art comique, mais elle
réalise également un dévoilement du processus de refoulement qui
devient central dans la théorie freudienne à cette époque-là pour
rendre compte de ce qui fonde la psychanalyse, à savoir une
interrogation sur le sexuel :
Parmi les diverses sortes d’inhibition ou de répression d’ordre
intérieur, il en est une qui mérite que nous lui portions un
intérêt particulier parce que c’est elle qui va le plus loin. On la
désigne du nom de « refoulement » et on la reconnaît à ce
qu’elle réalise, à savoir empêcher les motions qui lui sont
assujetties ainsi que leurs rejetons de devenir conscients. 5
J. Fromont, « Forms, Functions and Figures of Negation in Oscar Wilde’s Society Comedies », in Martine Drugeon
(dir.), Studies in the Theatre of Oscar Wilde, Cahiers victoriens et édouardiens, n°72, 2010, 21.
1
2
Katherine E. Kelly, « Imprinting the Stage », in Christopher Innes (ed.), A Cambridge Companion to George Bernard
Shaw, Cambridge University Press, 1998, 25-54.
3
N. Grene, op.cit., correspondance privée de Shaw, 372.
4 Voir S. Freud, La Vie Sexuelle, Paris, Presses Universitaires de France, 1969 ; mais aussi Le Mot d’esprit et sa relation
à l’inconscient, Paris, « Folio essais », Gallimard, 1988, notamment la dernière partie.
5
S. Freud, Le Mot d’esprit, 249.
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