Rue des Beaux-Arts n°70 – Janvier/Février/Mars 2020
Mais pourquoi Wilde s’est-il arrêté sur ce thème biblique ? D’autres
auteurs dramatiques avaient-ils écrit en son siècle des pièces en
relation avec la Bible ? On peut citer Byron avec son « Caïn » (1821) ou
« La Samaritaine », d’Edmond Rostand (1897), mais finalement, il ne
semble pas que ce fut un thème particulièrement prisé au théâtre
(contrairement à l’opéra qui y recourut plus souvent). On sait en outre,
qu’en Angleterre, il était interdit de montrer sur scène des personnages
bibliques, raison officielle pour laquelle la Salomé de Wilde fut
finalement interdite. On peut bien présumer qu’il ne l’ignorait pas
puisqu’il fit remarquer que « Samson et Dalila » de Saint-Saêns et
l’« Hérodiade » de Massenet étaient aussi interdits.
Quelle mouche a donc piqué Oscar Wilde pour se lancer dans cette
aventure ? Si on regarde son parcours littéraire jusqu’à la date où il
entreprit d’écrire Salomé, on trouve des poèmes, des contes, des
nouvelles, deux pièces de théâtre imparfaites (« Véra ou les Nihilistes »
et « La Duchesse de Padoue ») et un roman brillant (« Le Portrait de
Dorian Gray »), mais rien qui ressemblât de près ou de loin à Salomé.
Si on observe son parcours après Salomé, le mystère s’obscurcit
encore. Ses quatre pièces de mœurs, qui allaient faire de lui le
dramaturge le plus célèbre de Londres, ne semblent tout bonnement
pas écrites par le même auteur, et les thèmes qu’il y traite n’ont rien de
commun avec sa pièce française.
Après que Wilde fut sorti de prison, il lui arrivait de confier aux rares
amis qui venaient le visiter à Berneval qu’il voulait écrire deux pièces
d’inspiration biblique : un « Pharaon » puis un « Achab et Jézabel ». Il
ne réalisa jamais ce projet, mais cela prouve au moins que Salomé
n’était pas un évènement isolé, une sorte de parenthèse inexplicable et
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