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Rue des Beaux-Arts n°70 – Janvier/Février/Mars 2020 l'homme et l'artiste » et a ensuite salué l'accueil réservé à De Profundis en 1905: «Les critiques anglais se sont montrés prêts à évaluer l'écrivain, favorablement ou défavorablement, sans souligner leurs préjugés naturels contre sa carrière ultérieure » George Orwell a estimé que «Wilde est un écrivain difficile à juger, parce qu'il est très difficile de dissocier ses réalisations artistiques des événements de sa vie   ». C'est là manquer l'essentiel : de telles déclarations vont à l'encontre du projet wildéen de carrière comme expression extérieure de la vie intérieure - un projet dans lequel un critique a vu «non seulement une ressemblance mais une analogie évidente entre l'idée soufie de l'art de la personnalité et celle de Wilde.  » Cela vaut la peine d'être souligné, car cela est au cœur de nombreuses critiques Wildienne. Par exemple, dans son essai sur Yeats, Sir Maurice Bowra a écrit que « Même dans La Ballade de la Geôle de Reading, Wilde n'a pas réussi à se libérer de ses associations littéraires et a mélangé la poésie réelle d'une sombre expérience avec le faux verbiage de ses œuvres antérieures ». Je suggère que cela pourrait être mieux exprimé sous la forme suivante : « Même dans La Ballade de la Geôle de Reading, Wilde a su insuffler dans le langage très stylisé de son œuvre antérieure la vraie poésie d’une sombre expérience ». Pour beaucoup de Victoriens, l'aversion de Wilde pour le réalisme était perverse en elle-même, car l'attaque habituelle à son encontre défendait explicitement ou implicitement le romantisme - «le nec plus ultra de tout art  » disait Rider Haggard - et le romantisme de Wilde était plus parfumé que son réalisme : ou plutôt, il a utilisé ce que les Victoriens trouvaient désagréable dans le réalisme et y a infusé des situations sentimentales. Ce fut le catalyseur par lequel l'esthétisme 64