Rue des Beaux-Arts n°70 – Janvier/Février/Mars 2020
De Profundis. Mais si l’art est réel, la vie, par conjonction, est idéale.
Ce point philosophique, tension entre le réel et l’idéal, a souvent été
obscurci par les significations vernaculaires du réel et de l’idéal, mais
puisqu’il est revenu encore et encore à Wilde, il faut lui accorder une
place centrale dans la recherche de lui-même. Quand il prétend avoir
mis son talent dans ses œuvres, mais son génie dans sa vie, plaçait-il
son génie dans un simple mode de fiction ?
Même si l’art était la réalité suprême, Wilde n’avait aucun goût pour le
réalisme artistique : « Hier, ce fut le Réalisme qui nous charma, on
obtint de lui ce nouveau frisson qu'il avait pour but de produire, on
l'analysa, on l'expliqua, et on s'en fatigua. » dit Gilbert dans Le critique
comme artiste. Les éléments gothiques ou paranormaux
de Dorian
Gray transforment ce qui aurait pu être réaliste ; dans les premières
pièces et dans Salomé, le réalisme est subordonné au langage et, dans
les comédies, l'inversion épigrammatique oblige le réalisme à se retirer
jusqu'à ce qu'il soit vaincu dans L'Importance d'être constant. Wilde a
déclaré en louant Dostoïevski: «Nous avons le sentiment que la fiction
n’a pas été entravée par les faits, mais que le fait lui-même est devenu
idéal et imaginatif. »
C’est cette alchimie que Wilde a essayé de réaliser dans sa vie, comme
John Keats l’avait réalisée dans la sienne - croyait-il - à travers toutes
ses différentes phases; la compréhension de cette quête a été limitée
soit par une connaissance insuffisante de l'époque des accessoires sur
lesquels Wilde a construit son personnage, soit par les méthodes
critiques non développées des temps passés. On peut juger combien
elles étaient peu développées à partir des agendas critiques établis par
Robert Ross lorsqu'il a d'abord regretté l'impossibilité de «séparer
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