Rue des Beaux-Arts n°70 – Janvier/Février/Mars 2020
accrochée au mur, il s’écrie : C’est la tête de Salomé ! Salomé qui s’est
fait décapiter de désespoir ! C’est la vengeance de Jean le Baptiste ! 1
Wilde connait aussi l’opéra de Jules Massenet, « Hérodiade », inspiré
du conte de Flaubert, qui a été créé en décembre 1881, au théâtre de
la Monnaie, à Bruxelles. Mais, d’où qu’ils lui arrivent, les images, les
musiques et les mots qui atteignent Wilde, sont français. C’est peut-
être donc tout naturellement que cette langue vient sous sa plume.
Veut-il en outre s’éprouver, se livrer à un exercice d’écriture périlleux
pour relever un défi lancé à lui-même, comme pourrait le laisser
supposer sa réponse à une interview pour le « Pall Mall Budget » : « J’ai
à ma disposition un instrument que je maîtrise, et c’est la langue
anglaise. Il en existe un autre que j’ai écouté toute ma vie, et j’ai voulu
toucher une fois ce nouvel instrument pour voir si je pourrais en tirer
quelque beauté ». ? Ce nouvel instrument qui lui permet d’avoir des
audaces que lui interdit le puritanisme anglais, qui lui offre aussi des
sonorités nouvelles. Enfin, cette langue qu’il aime, n’est-elle pas un
hommage rendu à la grande comédienne française Sarah Bernhardt à
qui il rêvait de donner le rôle 2 ?
Emily Eells, dans son article : « Wilde’s French Salomé »
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écrit que
Salomé est la pièce française de Wilde par excellence » et que
« l’ambition de Wilde d’écrire une pièce dans la veine de l’esthétisme
français fin de siècle a dicté sa composition en français. »
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Elle ajoute
Rapporté par Richard Ellmann – Oscar Wilde – Gallimard – 1994 pour la traduction française.
Il lui dédica un exemplaire de ses « Poèmes » avec ces mots : « Comme la princesse Salomé est
belle ce soir » - Londres – 1892.
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Emily Eells, « Wilde’s French Salomé » p.115-130 – Cahiers victoriens et édouardiens – automne
2010.
3
« Wilde’s ambition to write a play in the vein of fin-de-siècle French aestheticism dictated its
composition in French. »
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