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Rue des Beaux-Arts n°70 – Janvier/Février/Mars 2020 pouvons ainsi en déduire que pour le compositeur, l’essentiel ne résidait sans doute pas dans cette appartenance à un courant artistique. Le texte, l’histoire, mais aussi le déroulement du drame qui en font un sujet si bien adaptable à la musique, ont sans doute incité l’auteur à en faire une œuvre musicale, sans pour autant prêter une si grande attention que Wilde aux courants et à l’époque dans laquelle l’œuvre s’immisçait. Inspiré sans doute tout d’abord par les textes évangéliques et Josèphe Flavius, la connaissance et l’intérêt de Wilde pour ce sujet biblique sont probablement dus en partie à son frère, William Wilde, qui se pencha sur cette figure judéenne dès 1873 en réalisant un sonnet sur le sujet. On sait également qu’avant de se consacrer pleinement à sa pièce, Oscar Wilde écrira en 1888 le compte-rendu de la Salomé de J.C. Heywood pour la Pall Mall Gazette. Mais sans nul doute, les principaux inspirateurs du poète anglais seront de grands écrivains français tels que Huysmans 1 , Mallarmé 2 , Flaubert 3 et aussi quelques peintres 4 , personnalités qui permettront à Wilde de réaliser une œuvre marquante, représentative d’un courant littéraire, d’une société et d’un état d’esprit : la Salomé de toute une époque. 1 Wilde connaissait parfaitement bien A rebours de Joris-Karl Huysmans, comme en témoigne cette description précise de l’ouvrage dans Le Portrait de Dorian Gray  sans pour autant qu’il n’y fasse explicitement référence : «  Il s’agissait d’un roman sans intrigue, à un seul personnage, le portrait psychologique en réalité d’un jeune Parisien qui avait passé sa vie à essayer de vivre au XIX e siècle toutes les passions et toutes les formes de pensée de son siècle, à l’exception des siennes propres et de concentrer pour ainsi dire en lui les différents états traversés jusque-là par l’esprit du monde, s’attachant pour leur superficialité même aux renoncements que les hommes avaient stupidement qualifiés de vertus et à ces révoltes naturelles que les sages appellent péché. » WILDE, Oscar, Le Portrait de Dorian Gray, op. cit., p. 184. 2 Lorsque Wilde se rend à Paris en 1891, il rencontre Stéphane Mallarmé qui travaille alors à son Hérodiade. 3 On sait que Wilde admirait particulièrement Flaubert, comme en témoigne cette lettre de 1888 dans laquelle il déclare  : « pour apprendre à écrire en prose anglaise j’ai étudié la prose de France. (…) Oui, Flaubert est mon maître. Quand je me mettrai à traduire La Tentation, je serai Flaubert II, Roi par grâce de Dieu et, j’espère, beaucoup plus. » Lettre d’Oscar Wilde à W.E. Henley, décembre 1888. WILDE, Oscar, Lettres d’Oscar Wilde, choix et avant-propos de Rupert Hart-Davis ; traduit de l’anglais par Henriette de Boissard ; préface de Diane de Margerie, Paris, Gallimard, 1994, p. 135. 4 «  Wilde avait de plus connaissance d’un certain nombre de représentations de Salomé dans la peinture italienne, allemande, hollandaise et française – ainsi celle de Regnault qui avait fait scandale au Salon de 1870 et surtout les œuvres de Moreau dont il avait admiré L’Apparition lors d’une exposition tenue en 1877 à la Grosvenor Gallery de Londres.  » AQUIEN, Pascal, op. cit., p. 16. 50