Rue des Beaux-Arts n°70 – Janvier/Février/Mars 2020
“Nanna” ou “La Barque”) étant le nom donné au dieu lunaire vénéré
dans la ville d’Ur, capitale sumérienne devenue le centre de la
Mésopotamie biblique. Coïncidence intéressante lorsqu’on sait
l’importance conférée à l’astre lunaire dans la pièce de Wilde. Mais
Mariotte avait-il en tête cette référence à l’Arche d’Alliance lors de
l’élaboration de son livret ? C’est peu probable d’ailleurs, même si le
compositeur s’intéressera à deux reprises à des sujets reliés à la
religion hébraïque pour composer des opéras (Salomé puis Esther 1 ), on
remarque qu’il a élagué certains passages de la pièce de Wilde se
rapportant à ces questions de religion.
Il est également probable que Mariotte ait résolument cherché à ne pas
utiliser certains propos du dramaturge anglais qui pouvaient poser
problème, surtout dans une France déjà sensiblement touchée à cette
époque par des affaires d’antisémitisme, comme celle du capitaine
Dreyfus. Mariotte coupe également à deux reprises des répliques
mettant en cause la royauté et donc d’une certaine façon les dirigeants
du pays ; le compositeur commença à écrire ce livret alors qu’il était
encore engagé dans la marine pour servir sa patrie, une fonction qui
l’incita sans doute à une telle démarche.
3 - Une décadence en péril ?
Comme nous avons pu le remarquer, Mariotte opère de nombreuses
coupures dans le texte wildien, sans modifier pour autant
profondément le contenu de ce qu’il choisit au contraire de garder, si
1 MARIOTTE, Antoine, Esther, princesse d’Israël, tragédie lyrique en trois actes d’après un livret d’André Dumas et
Sébastien-Charles Lecomte, exécutée pour la première fois à l’Opéra de Paris le 28 avril 1925.
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