Rockyrama The Shining | Page 5

important que Shining est le premier film que Kubrick a conçu en sachant qu’il serait ensuite revu sur support vidéo domestique. Ses couleurs et ses contrastes ne seraient donc pas, comme avec les autres films du Maître, détruits par la transition sur le support VHS. Or, la prise en considération du marché vidéo par Kubrick semble aller bien au-delà du simple souci esthétique. C’est comme s’il souhaitait ardemment que le film soit revu dans un cadre plus intime. un festival de faux-raccords et d’erreurs de continuité. Quelques-uns de ces faux raccords avaient surpris les cinéphiles à l’époque de la sortie du film. « Quoi ? » Comment le Maître, célébré pour son soin maniaque et sa disposition à refaire les prises des centaines de fois, avait-il pu laisser passer de telles erreurs de continuité ? Personne n’imaginait alors le nombre écrasant, récurrent, de ces « erreurs », dont la régularité nous indique bien au contraire que Kubrick a très soigneusement choisi de les commettre ! ERR EURS Car la toute première vision de Shining, en imaginant qu’on le découvre en salle à sa sortie, ne peut être que problématique. Sous son apparence d’ultra-objectivité et de « normalité », le film ne fait que distiller au spectateur un sentiment d’anomalie constant. Quelque chose cloche et j’ignore ce que c’est. Cela débute par les angles trop déformants de ses scènes aériennes d’ouverture, tout sauf bucoliques. La sonorité lourdement synthétique de sa musique. La direction d’acteurs qui sonne « faux ». Mais surtout, cette normalité trop appuyée nous affecte dès le début avec des éléments visuels qui ne nous sont pas « visibles » et notamment Ce n’est donc qu’à partir de la sortie sur le marché vidéo que certains vont plonger dans l’exégèse du film et constater que chacune de ces « erreurs » fonctionne en tant qu’indice, à la fois vis-à-vis de l’histoire première du film, mais également sur un plan plus mystérieux. Certains dessins sur les murs de la chambre de Danny ont disparu ; le poste de télévision fonctionne sans être branché au secteur ; ce livre à grand format dont Jack semble s’inspirer pour son travail n’est pas à la bonne place d’un plan à l’autre ; la célèbre phrase typo « All work and no play makes Jack a dull boy » contient un certain nombre de fautes de frappe qui ne semblent pas procéder de l’étourderie, etc. Des décennies plus ROCKYRAMA tard, l’ouverture des archives Kubrick confirmera aux plus rigoureux des disciples de Shining que le Maître avait effectivement un projet derrière ce cumul d’erreurs (avec un soin maniaque qui lui fera déterminer jusqu’à la hauteur exacte de poteaux électriques à peine entre-aperçus dans le champ !), mais si la démarche semble maintenant évidente, la nature du projet, elle, demeure hors de portée. ‘‘Que cherchait à faire Kubrick ?’’ Que cherchait à faire Kubrick ? D É C ORS Lorsqu’on le découvre une toute première fois, Shining se révèle à nous comme étant essentiellement un film de décors. Sans le moindre doute, l’architecture est ici déterminante pour comprendre ce que le cinéaste cherchait à exprimer. La scène devenue la plus célèbre est celle où la caméra, montée sur steadycam, suit le jeune Danny à bord de sa voiture à pédales dans les longs couloirs du rez-de-chaussée de l’hôtel. La durée excessivement longue du plan, la rythmique imposée par la bande-son qui alterne le fracas des STANLEY KUBRICK