important que Shining est le premier film que
Kubrick a conçu en sachant qu’il serait ensuite
revu sur support vidéo domestique. Ses couleurs
et ses contrastes ne seraient donc pas, comme avec
les autres films du Maître, détruits par la transition
sur le support VHS. Or, la prise en considération
du marché vidéo par Kubrick semble aller bien
au-delà du simple souci esthétique. C’est comme
s’il souhaitait ardemment que le film soit revu
dans un cadre plus intime.
un festival de faux-raccords et d’erreurs de
continuité. Quelques-uns de ces faux raccords
avaient surpris les cinéphiles à l’époque de la
sortie du film. « Quoi ? » Comment le Maître,
célébré pour son soin maniaque et sa disposition
à refaire les prises des centaines de fois, avait-il
pu laisser passer de telles erreurs de continuité ?
Personne n’imaginait alors le nombre écrasant,
récurrent, de ces « erreurs », dont la régularité
nous indique bien au contraire que Kubrick a
très soigneusement choisi de les commettre !
ERR EURS
Car la toute première vision de Shining, en
imaginant qu’on le découvre en salle à sa sortie,
ne peut être que problématique. Sous son
apparence d’ultra-objectivité et de « normalité »,
le film ne fait que distiller au spectateur un
sentiment d’anomalie constant. Quelque chose
cloche et j’ignore ce que c’est. Cela débute
par les angles trop déformants de ses scènes
aériennes d’ouverture, tout sauf bucoliques. La
sonorité lourdement synthétique de sa musique.
La direction d’acteurs qui sonne « faux ». Mais
surtout, cette normalité trop appuyée nous
affecte dès le début avec des éléments visuels
qui ne nous sont pas « visibles » et notamment
Ce n’est donc qu’à partir de la sortie sur le
marché vidéo que certains vont plonger dans
l’exégèse du film et constater que chacune de
ces « erreurs » fonctionne en tant qu’indice, à la
fois vis-à-vis de l’histoire première du film, mais
également sur un plan plus mystérieux. Certains
dessins sur les murs de la chambre de Danny
ont disparu ; le poste de télévision fonctionne
sans être branché au secteur ; ce livre à grand
format dont Jack semble s’inspirer pour son
travail n’est pas à la bonne place d’un plan à
l’autre ; la célèbre phrase typo « All work and no
play makes Jack a dull boy » contient un certain
nombre de fautes de frappe qui ne semblent pas
procéder de l’étourderie, etc. Des décennies plus
ROCKYRAMA
tard, l’ouverture des archives Kubrick confirmera
aux plus rigoureux des disciples de Shining que
le Maître avait effectivement un projet derrière
ce cumul d’erreurs (avec un soin maniaque qui
lui fera déterminer jusqu’à la hauteur exacte de
poteaux électriques à peine entre-aperçus dans le
champ !), mais si la démarche semble maintenant
évidente, la nature du projet, elle, demeure hors
de portée.
‘‘Que
cherchait
à faire
Kubrick ?’’
Que cherchait à faire Kubrick ?
D É C ORS
Lorsqu’on le découvre une toute première
fois, Shining se révèle à nous comme étant
essentiellement un film de décors. Sans le
moindre doute, l’architecture est ici déterminante
pour comprendre ce que le cinéaste cherchait à
exprimer.
La scène devenue la plus célèbre est celle où
la caméra, montée sur steadycam, suit le jeune
Danny à bord de sa voiture à pédales dans les
longs couloirs du rez-de-chaussée de l’hôtel. La
durée excessivement longue du plan, la rythmique
imposée par la bande-son qui alterne le fracas des
STANLEY KUBRICK