ReMed 2018 ReMed Magazine N°4 - Cutting Edge | Page 7

Quelles techniques utilisiez-vous pour traiter les patients avant la mise au point de la prothèse ? Il faut savoir qu’il existe plus d’un millier de patients avec des défects osseux dans le pays, dus pour la plupart à des traumatismes crâniens ou à des infections osseuses post- chirurgicales. Ces patients peuvent souffrir de céphalées pulsatiles, de vertiges, voire d’exposition du cerveau à des agressions externes, sans parler du désagrément esthé- tique qui altère beaucoup leur vie. Pour couvrir les défects, la technique précédemment uti- lisée était assez archaïque. On réalisait une plastie crâ- nienne manuellement, en per-opératoire, avec un ciment biocompatible. Évidemment, la méthode est très approxi- mative et ne vise qu’à protéger le cerveau. Notre technique permet de créer une prothèse crânienne personnalisée, sur mesure, conçue à l’aide d’une impri- mante 3D modifiée et ayant une impaction parfaite sur le crâne du patient. “ 3wawech! ” Une fois le projet défini, comment s’est faite la mise en œuvre ? Au début, il fallait bien évidemment commencer par faire des tests sur des maquettes. Nous avons donc acheté une maquette anatomique d’un crâne humain que nous avons baptisée intimement « 3wawech ». On y a reproduit plu- sieurs défects différents par leurs complexités géomé- triques et architecturales. Nous avons ensuite appliqué les techniques de Rétro- Engineering. Il s’agit, poursuit Dr. Lassal, de reproduire un modèle fabriqué exactement identique à un modèle préexistant grâce à une modélisation informatique. Il fallait donc collecter d’abord un maximum de données sur 3wawech ; nous avons décidé de faire un scanner de la maquette avec des coupes ultra-fines de 1mm. . . je ne vous raconte même pas les embarras pour essayer de convaincre nos amis radiologues de nous faire le scanner. Après cela, continue Dr. Lassal, la modélisation consiste à extraire des nuages de points à partir des images pour créer un modèle CAO (Conception Assistée par Ordina- teur) et faire une reconstruction en 3D de la maquette. Enfin, à partir de l’étude des courbes et des splines, on comble le vide du défect. La grande problématique que nous avons rencontrée rés- dait dans l’épaisseur de la pièce, intervient le Dr. Terrak. Vous savez que l’épaisseur du crâne et la structure de l’os ne sont pas identiques partout. Nous ne pouvions pas nous permettre de fabriquer une pièce qui ne s’emboitait pas parfaitement avec le reste du crâne. Pour cela, reprit Dr. Lassal, j’utilisais deux méthodes. Lorsque le défect n’était présent que d’un seul côté du crâne, je me référais au côté opposé et appliquais la même épaisseur. En revanche, lorsque le défect empiétait sur la ligne médiane, il fallait utiliser les courbures des berges et essayer de les relier en harmonie. Enfin, grâce à un logiciel spécialisé, nous avons isolé la surface d’impaction et nous sommes parvenus à une si- mulation numérique du volet osseux. C’était très difficile car aucun d’entre nous n’avait jamais utilisé ce genre d’imprimante ; nous ne savions même pas vers qui nous tourner. Heureusement, nous avons entendu parler d’un incubateur de start-ups basé à Alger appelé Sylabs. Grâce à leur aide, nous avons pu convaincre le constructeur de nous laisser effectuer nos essais sur la machine. Nous avons d’abord utilisé du simple plastique pour nos essais car le matériel coûte très cher. Je rappelle tout de même que nous n’avons reçu ni bénéficié d’aucun soutien financier, l’ensemble du projet a été réalisé sur un auto- financement. Nous avons utilisé nos propres deniers et pour cela nous ne pouvions pas nous permettre de gas- piller le matériau précieux. Ainsi, nous avons effectué plus d’une dizaine d’essais avant d’arriver à un résultat satisfaisant. Trop grands, trop petits ou carrément déformés ; les prototypes nous ont permis de mettre en évidence les failles et nous ont aidés à revoir nos calculs et à peaufiner notre modélisation. La persévérance a porté ses fruits puisque le résultat final était tout simplement époustouflant, nous avons réussi à obtenir une précision de 0.04 mm ! Ce n’était pas un caprice de notre part de rechercher un emboitement parfait, intervient le Dr. Cheikh, c’était impé- ratif. Une prothèse trop grande dépasserait les limites du défect et serait très inesthétique ; à l’inverse, une pro- thèse trop petite peut constituer un sérieux risque d’em- barrure qui peut être très délétère. Comment s’est faite ensuite la fabrication de la prothèse ? C’était la dernière étape du processus, mais non des moindres ! Se lance le Dr. Terrak. Nous avons utilisé une imprimante 3D modifiée par nos soins. ReMed Magazine - Numéro 4 7