Quelles techniques utilisiez-vous pour traiter les
patients avant la mise au point de la prothèse ?
Il faut savoir qu’il existe plus d’un millier de patients avec
des défects osseux dans le pays, dus pour la plupart à des
traumatismes crâniens ou à des infections osseuses post-
chirurgicales. Ces patients peuvent souffrir de céphalées
pulsatiles, de vertiges, voire d’exposition du cerveau à des
agressions externes, sans parler du désagrément esthé-
tique qui altère beaucoup leur vie.
Pour couvrir les défects, la technique précédemment uti-
lisée était assez archaïque. On réalisait une plastie crâ-
nienne manuellement, en per-opératoire, avec un ciment
biocompatible. Évidemment, la méthode est très approxi-
mative et ne vise qu’à protéger le cerveau.
Notre technique permet de créer une prothèse crânienne
personnalisée, sur mesure, conçue à l’aide d’une impri-
mante 3D modifiée et ayant une impaction parfaite sur le
crâne du patient.
“
3wawech!
”
Une fois le projet défini, comment s’est faite la
mise en œuvre ?
Au début, il fallait bien évidemment commencer par faire
des tests sur des maquettes. Nous avons donc acheté une
maquette anatomique d’un crâne humain que nous avons
baptisée intimement « 3wawech ». On y a reproduit plu-
sieurs défects différents par leurs complexités géomé-
triques et architecturales.
Nous avons ensuite appliqué les techniques de Rétro-
Engineering. Il s’agit, poursuit Dr. Lassal, de reproduire
un modèle fabriqué exactement identique à un modèle
préexistant grâce à une modélisation informatique. Il
fallait donc collecter d’abord un maximum de données
sur 3wawech ; nous avons décidé de faire un scanner de
la maquette avec des coupes ultra-fines de 1mm. . . je ne
vous raconte même pas les embarras pour essayer de
convaincre nos amis radiologues de nous faire le scanner.
Après cela, continue Dr. Lassal, la modélisation consiste
à extraire des nuages de points à partir des images pour
créer un modèle CAO (Conception Assistée par Ordina-
teur) et faire une reconstruction en 3D de la maquette.
Enfin, à partir de l’étude des courbes et des splines, on
comble le vide du défect.
La grande problématique que nous avons rencontrée rés-
dait dans l’épaisseur de la pièce, intervient le Dr. Terrak.
Vous savez que l’épaisseur du crâne et la structure de l’os
ne sont pas identiques partout. Nous ne pouvions pas
nous permettre de fabriquer une pièce qui ne s’emboitait
pas parfaitement avec le reste du crâne.
Pour cela, reprit Dr. Lassal, j’utilisais deux méthodes.
Lorsque le défect n’était présent que d’un seul côté du
crâne, je me référais au côté opposé et appliquais la
même épaisseur. En revanche, lorsque le défect empiétait
sur la ligne médiane, il fallait utiliser les courbures des
berges et essayer de les relier en harmonie.
Enfin, grâce à un logiciel spécialisé, nous avons isolé la
surface d’impaction et nous sommes parvenus à une si-
mulation numérique du volet osseux.
C’était très difficile car aucun d’entre nous n’avait jamais
utilisé ce genre d’imprimante ; nous ne savions même pas
vers qui nous tourner. Heureusement, nous avons entendu
parler d’un incubateur de start-ups basé à Alger appelé
Sylabs. Grâce à leur aide, nous avons pu convaincre le
constructeur de nous laisser effectuer nos essais sur la
machine.
Nous avons d’abord utilisé du simple plastique pour nos
essais car le matériel coûte très cher. Je rappelle tout de
même que nous n’avons reçu ni bénéficié d’aucun soutien
financier, l’ensemble du projet a été réalisé sur un auto-
financement. Nous avons utilisé nos propres deniers et
pour cela nous ne pouvions pas nous permettre de gas-
piller le matériau précieux.
Ainsi, nous avons effectué plus d’une dizaine d’essais
avant d’arriver à un résultat satisfaisant. Trop grands, trop
petits ou carrément déformés ; les prototypes nous ont
permis de mettre en évidence les failles et nous ont aidés
à revoir nos calculs et à peaufiner notre modélisation. La
persévérance a porté ses fruits puisque le résultat final
était tout simplement époustouflant, nous avons réussi à
obtenir une précision de 0.04 mm !
Ce n’était pas un caprice de notre part de rechercher un
emboitement parfait, intervient le Dr. Cheikh, c’était impé-
ratif. Une prothèse trop grande dépasserait les limites du
défect et serait très inesthétique ; à l’inverse, une pro-
thèse trop petite peut constituer un sérieux risque d’em-
barrure qui peut être très délétère.
Comment s’est faite ensuite la fabrication de la
prothèse ?
C’était la dernière étape du processus, mais non des
moindres ! Se lance le Dr. Terrak. Nous avons utilisé une
imprimante 3D modifiée par nos soins.
ReMed Magazine - Numéro 4
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