MEDITO
“ Noblesse &
Médecine ”
Nazih Mohamed Zakari KOUIDRAT
Des parents qui suggèrent vivement à leurs enfants d ’ investir le domaine médical après le BAC , au sentiment de respect teinté de confiance qu ’ inspire le mot Médecin , il est de notoriété publique que la médecine est un métier noble . D ’ où vient cette noblesse ? Qu ’ en reste-t-il aujourd ’ hui ? L ’ Histoire apporte des éléments de réponse et ouvre le débat .
D
’ une perspective scientifique , la médecine est noble car elle guérit et soulage . Ainsi , au travers de la rubrique Sciences de la Santé , il est proposé d ’ entamer une exploration de l ’ histoire de la Chirurgie et de l ’ évolution des techniques et gestes pour soulager les malades . Quelques pages plus loin , vient un article qui met en exergue tout l ’ intérêt de l ’ examen clinique au 21e siècle qui reste indéboulonnable malgré toutes les avancées de l ’ imagerie . Toujours dans le même sillage de la thématique , dans la rubrique Savoir et Vivre , vous serez transportés par un voyage à travers l ’ histoire de la médecine dans les recoins de l ’ Enceinte de l ’ Hôpital Mustapha et à votre sortie , un itinéraire sinueux de l ’ histoire de la folie vous sera proposé , avec une invitation au débat entre psychiatrie et psychanalyse qui demeure totalement absente de la formation médicale .
D ’ une perspective philosophique et historique , le premier ancêtre du médecin dans les sociétés primitives fut le Chaman ou l ’ homme-médecine . Au sein de ces sociétés , la hiérarchie n ’ existe pas ( pas de monnaie pas d ’ inégalités ), la première distinction fut celle de l ’ homme-médecine , car c ’ était le seul Chef qui ne pouvait être révoqué . Aussi , possédant un groupe privé de femmes , il pouvait exister en dehors de la société , par conséquent , sa présence dans celle-ci n ’ était motivée que par un dévouement au service de la société . Après l ’ arrivée de l ’ agriculture et de l ’ élevage et l ’ apparition de la propriété individuelle , le médecin , pour survivre et demeurer au service de la société , commença à recevoir des biens en échange de ses soins ; son savoir et sa situation particulière lui conférèrent le respect et le prestige . Suite à l ’ introduction de la monnaie , la société devenant marchande , il fallait encore trouver une solution pour que le médecin puisse subvenir à ses besoins tout en maintenant son statut “ social ” ; c ’ est ainsi qu ’ apparut le serment d ’ Hippocrate , où le médecin doit jurer que l ’ argent qu ’ il percevra ne s ’ élèvera jamais au-dessus de sa fonction sociale ; il soignera quelles que soient les conditions .
La quintessence de ce Médito n ’ est pas d ’ enfler l ’ ego déjà hypertrophié de certains médecins , au contraire il aspire humblement à souligner que la noblesse et le prestige dont jouit le secteur médical sont à présent totalement infondés , car basés uniquement sur des considérations matérielles , à croire que des anges , tapis devant les portes des Facultés de Médecines , couvrent tous ceux qui y pénètrent d ’ un voile de noblesse et d ’ humanité . L ’ Histoire nous enseigne que la lutte entre le social et le profit chez le médecin est millénaire . L ’ Histoire démontre que le médecin est noble parce qu ’ il est social . Qu ’ en est-il actuellement ? Que reste-t-il des lettres de noblesse du médecin au regard des mutations des sociétés actuelles ? Le débat est ouvert , les réponses sont incertaines mais une chose est sûre , c ’ est en se référant à l ’ Histoire que l ’ on pourra aborder la question de manière éclairée pour éviter de tomber dans la mercantilisation de la pratique médicale , et penser de façon avertie l ’ avenir de notre Système de Santé . Ainsi , vivre sans histoire reste possible tout comme vivre sans ouïe et sans yeux , mais quel type de vie tout de même !