PAR JACQUES LAPLANTE
Le Québec à l ’ époque des voleurs de cadavres !
Est-ce ce phénomène qui a inspiré la créatrice de Frankenstein , Mary Shelley ( 1797-1851 )? Allez-savoir ! Toujours est-il que le vol de cadavres fut , jadis , répandu dans plusieurs grandes villes du monde , particulièrement à Québec et Montréal . Plusieurs écrits témoignent d ’ ailleurs de cette horrifiante pratique qui avait cours dans les années 1800 et qui aura perduré chez nous près de 70 ans !
D ’ entrée de jeu , il faut savoir que pour devenir médecin , l ’ étudiant devait réussir , entre autres , son cours d ’ anatomie et qui disait anatomie , disait aussi dissection . Or , un étudiant pouvait avoir à disséquer durant toute sa formation , une centaine de cadavres . Multipliez cent cadavres par le nombre d ’ étudiants en médecine que pouvait compter le Québec ( il y avait déjà à l ’ époque plusieurs écoles de médecine ) et on comprendra facilement qu ’ il y ait eu pénurie de cadavres à disséquer , d ’ où les razzias dans nos cimetières .
Évidemment , le pillage de cimetière était condamné par l ’ église qui , rappelons-le faisait autorité dans ce 18e siècle . Ce « crime » était également puni par la loi quoiqu ’ ici les peines et amendes par moments faisaient davantage office de symboles . Mais quand même , les pilleurs devaient faire gaffe au cas où le juge , l ’ église et la parenté du cadavre auraient les dents un peu plus acérées .
C ’ est pour cette raison que les étudiants , ou les pilleurs recrutés par les étudiants commettaient leur crime durant la nuit . Très souvent aussi , ils devaient corrompre le gardien du cimetière ou remettre une commission au fossoyeur pour les avoir informés de l ’ arrivée d ’ un corps . En dollars d ’ aujourd ’ hui , cette cote jouerait autour de 2 000 $.
La période idéale pour cette macabre cueillette était de novembre à avril parce que les cadavres étaient entreposés dans un charnier à cause du gel ; le site était plus facile à repérer qu ’ un petit lot dans un cimetière et le transport plus facile lui aussi . On installait le corps sur un traîneau à neige et le tour était joué . En outre , la sale besogne était plus facile à accomplir qu ’ une exhumation , quoique parfois , on n ’ avait guère le choix que de déterrer un corps récemment inhumé et de le sortir à l ’ aide d ’ une corde attachée au cou .
C ’ est sans doute ce qu ’ ont fait à Saint-Vincent-de-Paul en 1882 les voleurs de cinq cadavres . Pendant leur fuite , ils en ont échappé un qui fut retrouvé sur la route le lendemain , nu et une corde autour du cou . Ce fut un scandale et les journaux en ont fait leur chou gras . Comme ils ont fait leur chou gras quand on a rendu public le vol des corps de deux soeurs et d ’ une enfant .
Certains prétendront que ces histoires sont nettement exagérées . Fort bien , mais comment expliquer alors que le gouvernement ait dû légiférer par quatre fois la disposition de cadavres pour des fins scientifiques soit en 1748 , 1859 , 1872 et 1883 ? u
Le « fantôme » de McTavish
Dans un autre ordre d ’ idée , est-ce que ce phénomène pourrait expliquer l ’ étrange histoire du fantôme de Simon McTavish ( 1750-1804 )? Une légende veut que le fantôme de Simon McTavish ait été vu assis sur un tobogan descendant la montagne qui mène de son manoir vers la faculté de médecine de l ’ université McGill ? Soulignons toutefois que la dépouille de M . McTavish n ’ a jamais été rapportée volée ! Faut dire que plusieurs légendes ésotériques ont circulé au sujet de ce réputé et très prospère homme d ’ affaires de Montréal . u
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