Puissance et sécurité à l'épreuve des conflits du Proche-Orient. IHEDN_AR-18_C79_2015-2016_Sécurité et puissance | Page 31

Annexe 4 : Médiatisation de la société Les médias, et parmi eux la télévision, ont pris un poids considérable, démesuré dans la société moderne. Parmi les conséquences désastreuses qu’ils engendrent, on trouve la dictature de la médiatisation, qui ressemble comme deux gouttes d’eau au culte de la personnalité des sociétés totalitaires communistes et nazies. Comment des sociétés qui ont lutté de toutes leurs forces contre le totalitarisme en sont-elles arrivées à reproduire certains aspects de ces systèmes déshumanisant et où règne la banalité du mal ? Il y a encore une soixantaine d’années, les personnes importantes étaient le Pape, les membres du gouvernement, des Assemblées, les dirigeants des partis, les leaders syndicalistes, quelques journalistes, quelques scientifiques, une poignée d’artistes et de sportifs. Une centaine de personnes, tout au plus, étaient connues de la majorité de la population, qui ne savait pas forcément à quoi ces personnalités ressemblaient. La télévision était encore balbutiante, la radio était puissante mais ne permettait pas de connaître l’apparence, il n’y avait guère que la presse écrite qui le permettait, mais peu de titres comportaient des photos de personnalités. Par ailleurs les journalistes, qui n’étaient pas des stars pour la plupart, posaient des questions aux personnalités en fonction de leur domaine d’expertise, un sportif commentait les résultats sportifs, un politique parlait de politique, et un artiste développait sa vision sur son domaine de compétence. Soixante ans plus tard, on voit bien que la médiatisation à outrance a tout changé. Elle a rendu connu des gens auparavant inconnus, et qui pour la plupart auraient dû le rester. Elle leur a donné une légitimité de fait, car pour un cerveau humain actuel, avec la connaissance vient la reconnaissance. On constate tous les jours que la valeur est généralement inversement proportionnelle à la médiatisation. Les personnes médiatisées, donc connues, usurpent généralement leur reconnaissance, qu’elles ne méritent pas pour la plupart. Savoir parler dans un micro devant une caméra n’a jamais fait de quiconque un être supérieur ni plus apte que d’autres à en parler. Pourtant, l’un des effets pervers de la médiatisation consiste à donner plus facilement la parole à une personne qui parle bien qu’à une personne qui parle vrai. C’est l’ère des rhéteurs, des beaux parleurs, des séducteurs. Ainsi nous sommes passés en une soixantaine d’années d’une centaine de personnes connues et compétentes, à des milliers de célébrités incompétentes pour leur immense majorité. Ces “people”, comme les médias les appellent, génèrent des sentiments excessifs parmi la population, amour ou haine, jalousie ou admiration, reconnaissance ou pitié, mais ils laissent rarement indifférents. Une guerre sans pitié doit donc être menée au plus vite contre la médiatisation, qui donne le pouvoir à des ignares et l’enlève à la véritable élite du pays. Il ne s’agit pas de casser toutes les télévisions de France et de Navarre, mais de ne plus être influencé individuellement par le fait que des gens soient connus. Ce qu’il convient de valoriser, c’est le travail de recherche, validé par des pairs et par des résultats tangibles, c’est la construction d’une œuvre, littéraire, artistique, c’est la création d’entreprises, d’associations, d’institutions, d’emplois, de nouveaux horizons, autant de choses concrètes et sinon mesurables, du moins vérifiables. Valoriser l’effort, la patience, le goût du risque, l’audace, le 31