Puissance et sécurité à l'épreuve des conflits du Proche-Orient. IHEDN_AR-18_C79_2015-2016_Sécurité et puissance | Page 26
planétaire. » 49 Ou encore : « Nous sommes entrés dans l'ère des guerres technologiques , des
frappes chirurgicales « , du « zéro mort », qui sont la nouvelle modalité du duel. On pourrait
renverser la proposition et dire que ces guerres asymétriques se sont construites sur une nouvelle
conception de la sécurité : que c'est par refus de voir la mort qu'on a renoncé au « paiement en
espèces », à « l'action décisive » , dont Clausewitz faisait la vérité ultime de la guerre(...). Le
bourbier irakien, dont les Américains ne vont sortir qu'en catastrophe, avec son cortège de morts et
d'attentats interminable, est un exemple frappant de cet aveuglement. La perte du droit de la guerre
nous laisse face à l'alternative terrible de l'attaque et de la défense, de l'agression et de la réponse à
cette agression, qui sont une seule et même chose. Clausewitz a très bien compris que le principe
d'adversité serait de plus en plus impuissant à contenir l'hostilité montante. » 50 « Durch diese
Wechselwirkung wieder das Streben nach dem Aussersten, par cette action réciproque, l'effort vers
les ténèbres extérieures : Clausewitz est celui qui, sans s'en rendre compte, a trouvé non seulement
la formule apocalyptique, mais que cette formule était liée à la rivalité mimétique. Où entendre cette
vérité dans un monde qui continue de ne pas voir les conséquences incalculables de ses rivalités
mimétiques ? » 51
Hostilité générale et imprévisible semble inéluctable pour l'humanité menacée d'anéantissement :
« Nous sommes donc bien entrés dans une ère d'hostilité générale et imprévisible, où les adversaires
se méprisent et visent mutuellement à s'anéantir : Bush et Ben Laden, Palestiniens et Israéliens,
Russes et Tchétchènes, Indiens et Pakistanais, même combat. Le fait qu'on parle d' « États voyous »
prouve à quel point nous sommes sortis de la codification des guerres interétatiques : sous couvert
de maintenir la sécurité internationale, l'administration Bush a fait ce qu'elle a voulu en
Afghanistan, comme les Russes en Tchétchénie. En retour, les attentats islamistes frappent
n'importe où. » 52
Selon René Girard, « la violence est aujourd'hui déchaînée au niveau de la planète entière. (…) La
violence, qui produisait du sacré, ne produit plus rien qu'elle-même » 53 avec le risque de détruire le
monde. Girard développe ses thèses à partir de l'analyse de « De la guerre », ouvrage inachevé de
Carl von Clausewitz (1780 – 1831). Girard en retient essentiellement une loi des rapports humains :
« il s'agit de « la montée aux extrêmes », cette incapacité de la politique à contenir l'accroissement
réciproque, c'est-à-dire mimétique, de la violence » 54 .
« En un mot, explique Clausewitz, même les nations les plus civilisées peuvent être emportées par
une haine féroce. (…) Nous répétons donc notre déclaration : la guerre est un acte de violence et il
n'y a pas de limite à la manifestation de cette violence. Chacun des adversaires fait la loi de l'autre,
d'où résulte une action réciproque qui, en tant que concept, doit aller aux extrêmes. Telle est la
première action réciproque et la première extrémité que nous rencontrons. » 55 Girard commente ce
passage essentiel qui lui offre une « saisissante définition du duel » comme une « montée aux
extrêmes », qui lui a rappelé le conflit mimétique qui sous-tend toute son œuvre. « La réalité de la
guerre fait que le « sentiment d'hostilité » (la passion guerrière) finit toujours par déborder
« l'intention hostile » (la décision raisonnée de combattre) » 56 .
Sans entrer trop avant dans les thèses de Girard, il convient cependant de donner quelques clés pour
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Ibid., p.87
Ibid., p.126
Ibid., p.15
Ibid., p.131
Ibid., p.11
Ibid., p.120
Carl von Clausewitz, De la guerre, trad. Denise Naville, Minuit, coll. « Arguments », 1955, p.53
Ibid. René Girard, p. 32
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