Puissance et sécurité à l'épreuve des conflits du Proche-Orient. IHEDN_AR-18_C79_2015-2016_Sécurité et puissance | Page 25

Annexe 1 : La pensée de René Girard Résumé des thèses de René Girard L'ensemble de la thèse peut se résumer en sept points : 1. Le constat fondamental est celui de l'aptitude de l'homme à imiter. Un comportement est inné ou appris. Or apprendre, c'est imiter. 2. L'imitation peut conduire à la violence dès qu'elle est imitation d'un désir. Désirer ce qu'un autre possède ou désire enclenche la rivalité. 3. Abandonné à son dynamisme propre, la rivalité s'aggrave en lutte violente. Contagieuse, la violence devient générale. Se faisant elle tend à se renverser en une lutte de tous contre un. Or, là où l'imitation des désirs divise, l'imitation de la lutte rassemble: un premier frappe, les autres frappent à leur tour. C'est l'hypothèse du meurtre collectif. 4. La victime est divinisée, les hommes lui attribuant non seulement la violence qui a précédé le meurtre, mais la paix qui lui succède. C'est le meurtre fondateur. 5. Ainsi s'explique le phénomène religieux. La violence générale demeurant toujours possible, son retour est prévenu par des rites et des sacrifices aux effets pacificateurs. 6. L'action conjuguée du rite et des sacrifices fait lentement émerger les institutions et les règles qui régissent la société. La solidité de l'ensemble se paie en revanche d'une méconnaissance de ce qui s'est réellement passé. Les hommes vivent, mais au prix d'une illusion sur ce qu'ils sont et sur ce qu'ils font. 7. C'est ce mensonge que le judéo-chrétien tente de lever en essayant de mettre les hommes en face de ce qu'ils font et sont, dans l'imitation de comportements étrangers à l'envie ou à la rivalité (les prophètes, le Christ). La pensée de René Girard à travers "Achever Clausewitz" : la « montée aux extrêmes » En prolongeant sa réflexion sur la violence et le sacré, René Girard approche ces questions dans « Achever Clausewitz ». Son constat est d'autant plus effrayant qu'il repose sur des analyses confortées par la plus brûlante actualité. « Nous avons beaucoup à craindre aujourd'hui de l'affrontement des chiites et des sunnites en Irak et au Liban. La pendaison de Sadam Hussein ne pouvait que l’accélérer. Bush (…) n'a réussi qu'une chose : rompre une coexistence maintenue tant bien que mal entre ces frères ennemis de toujours. Le pire est maintenant probable au Proche- Orient, où les chiites et les sunnites montent aux extrêmes. Cette escalade peut tout aussi bien avoir lieu entre les pays arabes et le monde occidental . Notez qu'elle a déjà commencé : ce va-et-vient des attentats et des « interventions » américaines ne peut que s'accélérer, chacun répondant à l'autre. Et la violence continuera sa route. » 48 Guerres idéologiques, mise sous contrôle des guerres interétatiques, développement de conflits asymétriques constituent tout un cortège d'un monde qui s'emballe dans une violence qui échappe à tout contrôle. « La guerre idéologique est (…) ce qui nous a fait passer de la guerre interétatique classique à la violence que nous connaissons aujourd'hui : violence absolument imprévisible, proprement indifférenciée. (…) Prenez le Proche-Orient, où les massacres des sunnites et des chiites ne vont faire que s’exaspérer dans les mois et les années qui viennent. Là non plus, vous ne pouvez dire que l'un cherche à se faire « reconnaître » par l'autre ; il veut l'exterminer, ce qui est assez différent. Entre les coups de hache et les missiles, il n'y a pas une différence de nature, mais de degré. Clausewitz nous dit à sa manière qu'il n'y a plus de raison à l’œuvre dans l'histoire. Partout, la politique, la science ou la religion sont venus colorer d'idéologie un duel qui tend à devenir 48 René Girard, Achever Clausewitz, Carnets Nord éd., 2007, 365 p., p. 57 25