Puissance et sécurité à l'épreuve des conflits du Proche-Orient. IHEDN_AR-18_C79_2015-2016_Sécurité et puissance | Page 15

Mais la situation se révèle particulièrement complexe. En effet, les conflits mêlent à la fois des luttes inter-religieuses, ethniques, communautaires, politiques et inter-étatiques, le tout ayant une dimension planétaire. A cela s'ajoutent des alliances qui se renversent et d'anciens protagonistes se retrouvent alliés de fait. Le travail diplomatique semble souvent au point mort. L'impuissance des Occidentaux est patente : « Si le dossier, pris dans la tourmente d'une déflagration entre sunnites et chiites, échappe aux puissances occidentales, ce n'est pas seulement en raison de leurs divisions mais aussi à cause de l'implication de l'Iran et de la Russie auprès du régime de Damas. La donne ne changera en Syrie qu'à plusieurs conditions, préviennent les experts : le retrait des parrains iranien et russe ; l'engagement plus franc des puissances régionales comme l'Arabie Saoudite auprès des opposants «modérés» avant qu'ils ne disparaissent totalement du paysage ; enfin, l'élaboration par les alliés d'une véritable stratégie, pas seulement militaire et qui pourrait éventuellement impliquer un compromis avec des éléments du régime syrien. On en est encore loin. » 22 Mais fin février 2016 une nouvelle ébauche de cessez-le-feu redonnait espoir ! L'attitude des Occidentaux est très mouvante par rapport au dirigeant syrien. Après avoir réclamé haut et fort son départ dès les premières manifestations et la répression féroce de celles-ci, les Occidentaux ont été particulièrement velléitaires pour le faire partir. Les circonstances ayant fait apparaître que sa disparition ne réglerait pas nécessairement les conflits en cours dans son pays, le clan occidental admet maintenant que le dictateur est un acteur qu'il faut tolérer car incontournable pour les futurs négociations et pour un règlement de la question syrienne 23 . Les Européens ne présentent aucune diplomatie unifiée. La France et le Royaume-Uni sont engagés militairement, d'autres pays Européens sont si peu impliqués qu'ils ne pèsent en rien sur la suite des événements. Le seul dénominateur commun serait la destruction de Daech. Il n'y a aucun accord sur le départ ou non de Bachar el-Assad, ni aucune proposition sur une future Syrie. Quant à l'émergence des minorités, aucun programme n'est proposé. La frilosité européenne est due à une perte d'influence dans la région affectée par les conflits, par l'implication d'autres pays (Iran, Russie), par les craintes de renversements des alliances traditionnelles. Quant aux Nations-Unies, leur carence est patente par l'absence d'interventions de neutralisation sur le terrain, par la faible présence à titre humanitaire. La fin de la guerre froide, la fin du conflit entre États-Unis et URSS marque un renouveau dans la coopération internationale. Beaucoup prônent le « multilatéralisme » pour diriger les affaires internationales qui se sont complexifiées et sont source d'instabilité. Mais le nouvel ordre international n'est pas forcément celui d'une simple hégémonie américaine. Celle-ci se caractérise par son modèle politique et économique. Ce modèle s'est imposé face à son rival soviétique avant même la fin du conflit. En effet, la puissance économique des États-Unis est depuis longtemps le centre de gravité de l'économie mondiale, loin devant les pôles japonais et européen. Au final, ses valeurs de libéralisme et de démocratie s'imposent comme modèles aux yeux du monde. Confiants dans leur modèle et seuls à la tête des affaires internationales, les États-Unis ont les mains libres pour intervenir et défendre leurs valeurs. Ainsi, l'interventionnisme américain s'accroît à partir de la guerre du Golfe en 1991. Devant l'invasion du Koweït par l'Irak, le président de l'époque, George Bush, décide de l'intervention dans une région où se trouvent menacés les intérêts américains, pétroliers notamment. Sous couvert de l'ONU, les États-Unis déclenchent l'opération « Tempête du désert ». La victoire est totale. Cet épisode de la guerre du Golfe montre qu'à l'époque les États-Unis disposent d'une capacité d'intervention sans équivalent. En effet, l'hégémonie américaine se manifeste avant tout à travers son armée. Les États-Unis sont présents dans de nombreuses régions du monde grâce à leur flotte et à de nombreuses bases militaires sur tous les continents. S'ajoute à cette présence planétaire la supériorité technologique et logistique de l'armée américaine qui lui permet de conduire des guerres rapides. La « guerre asymétrique » emporte en quelques semaines seulement le régime de Saddam Hussein en 2003 et le régime taliban en Afghanistan en 2001. Cet interventionnisme consacre les États-Unis dans leur rôle de « gendarme du monde ». Ils 22 Isabelle Lasserre, Le Figaro 23 Cf. annexe 13 15