Puissance et sécurité à l'épreuve des conflits du Proche-Orient. IHEDN_AR-18_C79_2015-2016_Sécurité et puissance | Page 14

inévitable. II – 2 La diplomatie, expression d'une impuissance ? Jusqu’aux attentats de janvier et de novembre 2015 à Paris, la guerre que se livrent, depuis l’été 2014, la France et l’État islamique (EI) était largement invisible. A présent, elle atteint le sol français. En juin 2014, l’État islamique s’est emparé de la grande ville irakienne de Mossoul (environ 1,5 million d’habitants) en quelques heures, sans quasiment aucun combat et à la surprise générale. Viendra, quelques jours plus tard dans une mosquée de cette ville, la proclamation du califat par le chef de l’organisation islamiste, Abou Bakr al-Baghdadi. Devant la poussée militaire de l’EI en direction du Kurdistan d’Irak, la France va fournir des armes aux peshmergas kurdes et des conseillers militaires. Le 19 septembre 2014, une coalition mise sur pied et conduite par les États-Unis est formée à la demande du gouvernement irakien. La participation de l’aviation française à cette opération baptisée «Chammal» est loin d’être comparable à l’engagement américain. Selon le commandement militaire, 350 objectifs ont été détruits. Si, au départ, Paris avait exclu tout engagement en Syrie pour n’y favoriser ni l’EI ni Bachar el-Assad, sa position a changé en septembre 2015, pour étendre l’intervention au territoire syrien. Cette fois, Paris invoque la légitime défense : il s’agit, pour l’aviation, de neutraliser des camps d’entraînement de l’EI, où seraient préparés et organisés des projets d’attentats en France. Ces frappes aériennes ont deux autres objectifs : permettre à Paris de se faire entendre sur le dossier syrien et partager avec le renseignement militaire américain les informations que celui-ci obtient en Syrie, en particulier sur les djihadistes français. L’EI est-il sur la défensive ? Tous les experts sont formels : les opérations aériennes permettent seulement d’affaiblir l’EI et de freiner sa progression. C’est donc au sol que se décidera la guerre. Or, l’armée irakienne est en lambeaux : elle n’est pas prête à reconquérir les territoires perdus, et les milices chiites supplétives font plus peur à la population sunnite que l’EI. Quelles seraient les conséquences d’une opération terrestre ? C’est ce que souhaite l’État islamique, et tous les actes de barbarie qu’il perpétue ont aussi pour but d’attirer les armées occidentales sur les territoires arabes. Or, chaque opération militaire d’un pays occidental en Irak, que ce soit le Royaume- Uni ou les États-Unis, s’est soldée par un désastre. Restent les armées des pays arabes voisins, mais elles ne sont guère opérationnelles. Pour résoudre la question militaire en Syrie, de nombreux experts préconisent une intervention au sol. Problème : aucun pays occidental n'a envie de se lancer dans une nouvelle opération meurtrière quelques mois après le retrait des troupes occidentales de l'Afghanistan et de l'Irak. Depuis le début de l'opération, Barack Obama a ainsi catégoriquement exclu d'envoyer des "troupes au sol", malgré le conseil de certains de ses généraux. François Hollande a, lui, estimé qu'il serait "inconséquent et irréaliste d'envoyer des troupes françaises au sol". "En Irak, c'est aux Irakiens de mener ces opérations, et en Syrie c'est aux Syriens qui sont dans la rébellion, c'est aussi aux pays voisins, aux forces régionales, de prendre leurs responsabilités", a souligné le chef de l’État. Toute intervention occidentale au sol, au bout d'un certain temps, serait considérée comme une force d'occupation ce qui in fine profiterait à Daech. L’exemple de la Syrie est aujourd’hui transposable à la Libye où la présence de Daech interpelle la communauté internationale. Le président Obama avait promis le départ des troupes américaines et sifflé la fin de l'engagement en Irak. Il a fallu le comportement provocateur de Daech pour assister quatre ans après leur retrait au retour des États-Unis au sein d'une coalition internationale. Sa grande diversité et la nature de l'intervention ne pouvaient augurer d'un résultat rapide obtenu par la force des armes. La diplomatie pouvait donc entrer en jeu. 14