Puissance et sécurité à l'épreuve des conflits du Proche-Orient. IHEDN_AR-18_C79_2015-2016_Sécurité et puissance | Page 10

les divers réseaux mafieux et le radicalisme... I – 3 La menace terroriste en France et en Europe « Le terrorisme est un ensemble d'actes de violence commis par une organisation pour créer un climat d'insécurité ou renverser le gouvernement établi.» 13 Les origines du terrorisme sont identifiés dans l’histoire dès l’Antiquité avec le tyrannicide (le meurtre du tyran) puis dans le moyen-âge oriental avec les meurtres commis par les assassins (secte chi’ite ismaélienne des XI-XII èmes siècles) qui utilisaient les « attentats ciblés » contre ceux qu’ils jugeaient indignes d’incarner la foi qu’ils étaient censés représenter. Selon Gérard Chaliand 14 , il semble bien que les premiers ressorts du terrorisme aient été la volonté de justice dans le premier cas et la recherche de la pureté idéologique dans le second. Ces deux exemples sont marquants car ils révèlent une « trame de fond » idéologique qui tout au long des siècles va structurer l’acte terroriste. C’est surtout la forme qui va évoluer. Jusque là « extraordinaire», cette pratique terroriste va devenir au cours des siècles « centrale / systématique» au point de disposer de l’avenir de sociétés entières. Gérard Chaliand, en 1998 déjà, donne les contours du terrorisme actuel, où l'on retrouve l'emballement de la violence et la montée aux extrêmes des analyses, dix ans plus tard, de René Girard. « Les moyens de communications de masse sont devenus une importance considérable pour les organisations terroristes ; c’est l’une des caractéristiques majeure du terrorisme contemporain ». Désormais le « terrorisme publicitaire » semble dépassé avec les dimensions religieuses, culturelles, sociales civilisationnelles donc totalisantes de la pratique terroriste identifiée comme islamistes. « Cette escalade fait craindre la multiplication d’actes visant à provoquer un nombre […] croissant de victimes […] ciblant des infrastructures essentielles des pays industriels ». Et de conclure : « l’effet en serait si spectaculaire qu’il n’y aurait même plus besoin des médias pour le relater ». En 2015, en janvier puis en novembre, la France est durement touchée par plusieurs attentats au retentissement mondial. Les auteurs de ces attaques terroristes islamistes agissent pour le compte d'organisations terroristes, Al Quaïda ou Daech, qui se sont développées à la suite des guerres en Afghanistan, en Irak et en Syrie. Entre 2001 et 2013, 17 500 attaques terroristes islamistes ont été recensées dans le monde. Les victimes de ces attentats se situent en majorité au Proche et au Moyen Orient (Pakistan, Irak...). En Europe, les attentats terroristes islamistes les plus meurtriers ont eu lieu en Espagne en mars 2014, avec 191 morts, en France en novembre 2015 avec 130 morts, ainsi que les 224 morts de l'avion russe assurant la liaison du Sinaï à Saint-Pétersbourg en octobre 2015. Le terrorisme a été longtemps à dominante nationaliste, parfois d'extrême gauche (Bande à Baader ou Fraction Armée rouge en Allemagne ou Action directe en France) ou d'extrême droite (Breivik en Norvège). Il est devenu islamiste de manière croissante ( 30 personnes tuées entre 1972 et 2012 par des terroristes islamistes en France, près de 200 de 2012 à 2015). Il s'agit d'un terrorisme de masse et global qui cherche à être plus spectaculaire et plus meurtrier. L'impact sur les esprits est tel que l'on dit désormais que la France est en guerre, même si Gilles Kepel 15 récuse ce terme : « […] affirmer que nous sommes en guerre en France revient à s’interdire de penser la nature réelle de ce phénomène [la mobilisation djihadiste], […] ce n’est pas une guerre. C’est un défi culturel, social et économique. Il faut comprendre le terreau des banlieues populaires où l’on ne trouve plus de travail, produit des attitudes de désespérance et de repli identitaires qui s’expriment d’abord dans un salafisme a priori non violent ; puis, une fois que la rupture est faite, des individus dérivent vers le djihadisme […] ». 13 Définition du Petit Larousse, 1980 14 Chaliand Gérard, Dictionnaire de la stratégie militaire 15 Kepel Gilles, L'Express, 6/12 janvier 2016 10