Puissance et sécurité à l'épreuve des conflits du Proche-Orient. IHEDN_AR-18_C79_2015-2016_Sécurité et puissance | Page 36
le « califat » et appliquer la « charia » (« la voie à suivre »), en démoralisant l’Occident (phase
d’humiliation et d’épuisement) et en le détruisant (cible économique) pour créer un état de chaos
incontrôlé.
L’islamisme fondamentaliste (salafisme et takfir) ou jihadisme rejette catégoriquement les
démocraties, les nationalismes, les socialismes, ainsi que influences sociales et culturelles
occidentales, toutes les idées humanistes, les principes philosophiques comme la valeur de la vie
humaine, la démocratie et la laïcité. Cette vision sectaire du monde tend à la création d’un Califat
mondial composé d’émirs locaux.
Le dogme Wahhabite (monarchie saoudienne) ou « salafisme missionnaire » fonde l’inégalité entre
les hommes et les femmes, le droit pénal reposant sur les châtiments corporels, le rigorisme dans les
rapports sociaux et le rejet des Droits de l’Homme.
Il s’agit très clairement d’un jihad offensif, d’une lutte pour la prise de pouvoir face à un
gouvernement, à l’instar de l’Irak, dont la puissance militaire est affaiblie, d’une guerre globale qui
oppose deux conceptions antagonistes de la société, d’un dualisme total qui provoque, de fait, « un
conflit de civilisation ».
Pour le terrorisme islamiste, le concept d’État-nation, en tant qu’organisation politique et juridique
organisant une communauté des citoyens s’efface au profit de l’ « oumma », la communauté des
croyants à laquelle s’opposent les infidèles.
L’entité géographique qu’est le pays délimité par des frontières disparaît remplacée par la notion de
« Domaine ». Il s'agit d'une rupture stratégique de la fin de l'ordre westphalien, c'est-à-dire de la fin
de la sécurité des sociétés à l'intérieur des frontières étatiques.
Au domaine de l’islam où s’applique le charia s’oppose le devoir de la guerre où le combat est un
devoir religieux, applicable en permanence, jusqu’à en faire le domaine de l’Islam, le Califat
mondial.
Cette forme régulière de la guerre (aux niveaux stratégique, tactique et opérationnel) faite aux États
démocratiques répond à des objectifs politiques illimités. Cette politique de puissance, pour exercer
une influence prépondérante sur les affaires du monde, est universelle, totale, sans limitation de
temps, ni d’objectifs.
Le but visé est la conquête de la population, en la déstabilisant et en la contrôlant par une stratégie
de la terreur (avec des moyens limités contre une armée classique) pour réaliser l’ objectif politique
premier qui est de diffuser l’islam radical à travers le monde et d’appliquer la charia. Cette guerre
trouve la justification de sa sauvagerie de l’affirmation de Carl von Clausewitz 71 que la guerre
consiste en l’utilisation de la duperie et de l’extrême violence vis-à-vis du centre de gravité de
l’adversaire dont dépend sa puissance.
Cette dégradation sécuritaire, cette irruption du terrorisme domestique, cette « guerre éternelle » est
la plus utilisée aujourd’hui pour atteindre des objectifs politiques. Cette forme de violence sans
discrimination, qui se répète et s’inscrit dans la durée se trouve découplée du rythme social et
économique du monde contemporain et le bouleverse de façon systémique.
71 Carl von Clausewitz (1780-1831), officier d’état-major et stratège prussien. Il a combattu la France de 1806 à 1815
dans les armées prussiennes et russes. De 1818 à sa mort, fortement influencé par Napoléon, il a rédigé un ouvrage
intitulé « De la guerre », mondialement connu. Il constitue toujours une référence conceptuelle qui couvre un domaine
allant bien au-delà de la seule stratégie militaire.
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