Puissance et sécurité à l'épreuve des conflits du Proche-Orient. IHEDN_AR-18_C79_2015-2016_Sécurité et puissance | Page 33

Annexe 5 : Montée des populismes Les périodes de crises économiques ne sont pas propices à l'essor de l'altruisme et de la générosité. Elles nourrissent, au contraire, chez celles et ceux qui en sont victimes, angoisse, colère et ressentiment. Les partis populistes donnent une expression politique, illusoire et mystificatrice, à cette colère. Ils présentent une explication simpliste aux difficultés dans lesquelles se débattent les victimes de la crise, leur désignent des responsables à leurs malheurs, leur proposent des solutions simples et mobilisatrices pour remédier à leur situation. Les idéologies populistes sont diverses, mais elles présentent toujours une même structure. La politique est conçue comme une lutte entre le Bien et le Mal. Le Bien est incarné par un Peuple idéalisé (clairvoyant, vertueux, généreux, homogène,...). Le Mal par une figure de l'Autre, (s'agissant du national-populisme : l’Étranger, l'Immigré, l'Arabo-musulman, le Noir, le Juif...; s'agissant du social-populisme : le Bourgeois, le Riche, les Patrons suceurs de sang.) Dans ce combat, un troisième larron tient la place de l'ennemi en second : c'est l’Élite, égoïste, cupide et incompétente (l'Establishment, les "Sachants", la Technocratie, la "Classe politique") qui trahit le Peuple et fait le jeu de ses ennemis. La solution consiste à substituer à ces élites félonnes le pouvoir du Leader et de ses fidèles qui expriment le génie du peuple et sauront défendre ses intérêts. En période de prospérité économique et de progrès social, cette façon de voir et de faire de la politique ne rencontre que peu d'audience. La croissance engendre le plein-emploi et l'ascension sociale, la machine à intégrer les immigrés marche à plein régime, la sécurité publique et privée sont assurées. La conception rationnelle de la politique prévaut, qui vise à rendre progressivement possible ce qui est souhaitable, en tenant compte des contraintes objectives et des contradictions entre intérêts divergents. En période de crise économique et de régression sociale au contraire, les partis populistes, et en premier lieu les partis national-populistes, ont le vent en poupe. Leur xénophobie gagne en efficacité politique et en rendement électoral. Modernité oblige, dans les démocraties développées d'Europe de l'Ouest et du Nord, elle a changé d'argumentation : de biologique et raciale, elle est devenue culturelle. L'immigré ne doit plus être renvoyé dans sa brousse ou dans son douar d'origine parce qu'il est un être inférieur et pernicieux qui menace la pureté de la race. Il doit l'être parce qu'il vole le travail des nationaux et veut leur imposer sa culture rétrograde : ses minarets, sa burqa, sa cuisine hallal, sa misogynie, son homophobie, sa charia. A la xénophobie classique à fondement social et ethnique, qui s'adresse aux classes populaires, s'ajoute désormais une xénophobie moderne à fondement culturel, qui vise plus particulièrement les classes moyennes éduquées. En réalité, ses boucs émissaires et ses ennemis sont toujours les mêmes : les immigrés, ces parasites qui vivent à nos crochets et nourrissent l'insécurité; les musulmans inassimilables et réceptifs à l'islamisme; les élites mondialisées qui leur ouvrent grand nos portes; la bureaucratie bruxelloise, qui prétend imposer aux peuples ses diktats cosmopolites et défaire les nations... Sa défense de la laïcité est une machine de guerre contre la religion musulmane. L'Etat providence qu'elle chérit est réservé aux nationaux. L'islamisme, le nationalisme xénophobe, l'autoritarisme répressif sont devenus le fonds de commerce des partis populistes. 33