PixaRom Sep.2014 | Page 89

LA PLUME DES ÉONS Franchement, j’en ferais un bel ouvrage... Cito veniet dominus evigilantem, merito poenas terrae praesens non amplius animas negativam. Valar morghulis. Quinze février 1860 Je ne me souviens pas avoir écrit une chose pareille, hier soir. J’ai dû avoir un accès de transe qui m’a conduit à écrire cette phrase d’apparence latine. Un phénomène bien singulier ! Peu importe, j’essaierais de la traduire avec ce que la bibliothèque a à m’offrir. Je me demande même s’il y a eu des individus à ma porte pendant que j’avais la tête enfouie dans mes livres. Cela ne m’étonnerait pas si mon oncle était mort dans la solitude. En attendant, je vais me replonger dans mes livres. Seize février 1860 J’ai pu traduire la phrase étrange que j’ai écrite avant-hier soir et en voici le résultat : « Le réveil de notre maître arrivera bientôt, la Terre subira la punition qu’elle mérite et les âmes néfastes ne seront plus présentes. » Je reste tout de même anxieux vis-à-vis de notre maître arrivera bientôt... Quel maître ? Un esprit qui hante la bibliothèque ? Je n’en ai aucune idée et je suis fatigué de toute la lecture que je me suis faite, bien qu’elle me soit nécessaire pour mon intellect... Après tout, je n’ai plus à me soucier d’occuper une situation seyant peu à ma condition. Bien sûr, je n’ai pas fait part de ma découverte aux domestiques. Non seulement ils n’y auraient rien compris, mais ils auraient jugé cela d’un mauvais oeil, à n’en pas douter. Dix-sept février 1860 Cela faisait plusieurs journées que je n’étais pas sorti du domaine où je vis depuis maintenant dix jours. Les livre ont complément dévoré mon intention, à tel point que j’en ai négligé mon apparence et mon garde-manger. J’ai seulement découvert maintenant que les domestiques étaient partis en congé sans me prévenir ! Intolérable, mais je n’ai pas le coeur à m’occuper de cela. Je suis donc parti de bon matin vers Winchester, la ville la plus proche, afin d’y faire quelques emplettes et de passer chez le barbier. A mon retour, je me suis aperçu que la bibliothèque était complètement en désordre. Je ne suis pas étourdi à ce point, j’étais certain d’avoir tout bien fermé avant de partir… Quelqu’un en aurait cherché un objet ici, je ne sais, peut être–ce une personne qui a tué mon oncle afin de lui voler un bien convoité… je m’égare, je verrai ça demain. Pourquoi ce voleur hypothétique reviendrait-il maintenant, de toute façon ? Dix-huit février 1860 Je suis épuisé, j’ai passé un temps considérable à ranger chaque livre à sa place. En sortant dehors j’ai regardé partout à l’horizon et à part une ferme entre les bois, il n’y a pas âme qui vive dans le périmètre. Si l’endroit a vraiment été autrefois un havre pour les pèlerins, ce qu’ils étaient venus voir ne doit plus être dorénavant. Serait-ce un fermier qui se serait introduit en cachette hier matin ? Je suis fatigué, je verrai ça demain. Dix-neuf février 1860 Quelle étrange journée… Je me suis donc rendu à la ferme, mais je me suis rendu compte qu’elle était vide. Ni mobilier, ni animaux, rien… Cela doit donc être un autre fermier qui possède ce champ et qui aurait racheté un bout de terrain avec cette vieille bâtisse. Je n’en ai aucune idée mais je suis assez contrarié, j’ai l’impression que cette histoire ne tourne pas rond. Cela ne devrait-il pas faire partie des terres que j’ai reçues en héritage ? A mon retour dans le domaine de feu mon oncle, la bibliothèque était une fois de plus en désordre ! Ce n’est pas possible, je me suis vraiment assuré d’avoir tout bien fermé. Et effectivement, à mon retour tout était verrouillé, grille, portes et fenêtre. Cela viendrait-t-il de l’intérieur ? Tout d’un coup je me sens moins en sécurité… Les domestiques seraient-ils revenus en cachette et me joueraient-ils une sinistre farce ? Maintenant que je m’en rappelle, ils avaient une drôle manière de me regarder ; comme si je menaçais de devenir une bête étrange. Cela ne laisse pas de m’interroger sur la fin de vie de mon oncle... Vingt février 1860 Je n’ose plus sortir d’ici, de peur que la bibliothèque se remette en désordre. Sans m’en rendre compte, je me sens de plus en plus fatigué depuis que je suis ici, pourtant on ne peut pas vraiment dire que la lecture soit une tâche physique éprouvante. Cela viendrait-il de mon manque de vivres ? Exceptés quelques légumes et du pain qui n’est plus très frais, je n’ai plus grand-chose à me mettre sous la dent. Mais si je sors, je sais se qu’il va se passer… Pourquoi diable les domestiques ont-ils choisi ce moment pour me fausser compagnie ? Je n’avais pas réalisé à quels points ils étaient utiles pour que la maisonnée tourne bien. PixaRom magazine    89