Pivot CPA French PIVOT_FRE_July_August2018 | Page 7
Santé high-tech P. 8
Endiguer la fuite des cerveaux P. 10
Robots-cuisiniers : chaud devant P. 12
Chômage, travail compulsif et réforme fiscale P. 14
durabilité à long terme : taxes sur l’énergie, tarifi-
cation de la congestion routière, normes d’efficacité
énergétique contraignantes. Le pays a investi dans
le transport en commun, l’urbanisme durable et
l’énergie renouvelable. Il consacre une grande par-
tie du PIB à la recherche-développement, notamment
en technologie environnementale. À l’instar de la
Suède, les pays qui entendent lutter de front contre
le changement climatique doivent privilégier une
approche globale pour l’élaboration des politiques.
Dans la première moitié des années 1990, les
émissions de la Suède ont augmenté, malgré la taxe
carbone, mais bien moins qu’elles ne l’auraient fait
sans la taxe. Depuis, les émissions s’amenuisent à
mesure, car l’innovation, les dispositions incitatives
et les politiques font évoluer les comportements.
Et malgré les incidences redoutées sur l’économie,
la croissance de la Suède dépasse les moyennes
européennes, avance la Commission de l’écofiscalité.
Certes, la contribution du pays aux émissions
mondiales de gaz à effet de serre (GES) équivaut à
une fraction seulement de celle du Canada, mais il
n’est guère utile de comparer leurs empreintes
carbone, soutient M. Frank. Le Canada ne produit
que 1,6 % des émissions mondiales de CO 2 , concède-
t-il. Un fait qui n’excuse en rien l’inaction : « On
invoque l’argument du 1,6 %, mais il reste que nous
figurons parmi les dix principaux émetteurs. Ces-
ser de lutter contre le changement climatique et
relâcher notre vigilance revient à donner des armes
aux nations qui se complaisent dans l’inertie. »
La Chine, premier émetteur, s’apprête à taxer le
carbone. « Conscients de l’urgence, les Chinois ont
lancé en décembre dernier un programme de pla-
fonnement et d’échange », d’ajouter M. Frank.
Dans ce contexte, les politiciens réussiront-ils à
contrer les taxes sur le carbone, à long terme? Il est
permis d’en douter. D’ailleurs, quatre provinces ont
pris les devants : l’Ontario et le Québec souscrivent
au plafonnement et à l’échange, accompagnées par
l’Alberta et la Colombie-Britannique, qui ont instauré
des taxes carbone. Et Ottawa menace d’imposer des
taxes ou des mesures équivalentes aux provinces
retardataires. Gordon Beal, CPA, CA, vice-président,
Recherche, orientation et soutien à CPA Canada,
invite les entreprises à évaluer les risques du chan-
gement climatique. Oui, les sociétés ouvertes sont
tenues de divulguer les risques importants. Mais
rares sont celles qui prennent en compte les inci-
dences du changement climatique et de la tarifi-
AVEC L’AUTORISATION DE BILL EBBESEN
cation du carbone sur la rentabilité et la croissance.
« Afin de redéfinir la création de valeur sous l’angle
du long terme, les cadres sont appelés à analyser en
profondeur la chaîne d’approvisionnement, l’exploi-
tation et le circuit de distribution, explique M. Beal.
L’entreprise, ses employés, ses actionnaires et d’autres
intervenants clés sont à risque. Penser au CO 2
aujourd’hui, c’est aussi avoir le sens des affaires. »
Les mesures préconisées s’inscrivent dans une
tendance mondiale. À la demande du G20, le Conseil
de stabilité financière (CSF) a créé un groupe de
travail sur la divulgation des risques climatiques.
Mark Carney, gouverneur de la Banque d’Angleterre
et président du CSF, souligne que certaines grandes
institutions financières, qui gèrent des actifs d’en-
viron 90 000 G$ US, appuient ses recommandations.
Pour les entreprises comme pour la collectivité,
la présentation d’informations sur l’empreinte
carbone donne une idée de la tournure que prendra
la transition énergétique, a déclaré en entrevue
ÉMISSIONS DE GES
Évolution depuis 1990 (1990 = 100)
Canada
100
UE
Suède
Source : Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques
1990
1995
2000
2005
2010
2015
M. Carney à Joy Thomas, chef de la direction de
CPA Canada. Le Canada participera à part entière
à chaque étape du mouvement.
Nul n’échappera aux retombées de la transition
énergétique. Les entreprises devront composer avec
la hausse des coûts du carburant; et leurs émissions
polluantes deviendront des facteurs de coût. On a
souvent considéré les émissions de GES comme un
sous-produit externe de l’exploitation, rappelle
M. Beal. « Leur tarification vise à remettre l’enjeu
au cœur de la prise des décisions stratégiques et
opérationnelles. » Le mouvement vers la tarification
du carbone, loin de s’essouffler, se confirme, sans
égard aux revirements politiques, et nos entreprises
ont tout intérêt à agir. Après tout, la taxe carbone
n’a pas pour but de remplir les coffres de l’État. Il
s’agit plutôt d’un levier : on incite les particuliers et
les entreprises à prendre les moyens de se soustraire
à la taxe en question. ◆
JUILLET/AOÛT 2018 PIVOT
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