Photoniques Magazine No. 129 | Page 56

COMPRENDRE les forces optiques
de la polarisabilité . Pour une onde plane monochromatique , ρ = 0 et φ = k : la force réactive s ’ annule et seule contribue la force dissipative , dirigée suivant le vecteur d ’ onde k . C ’ est ce terme dissipatif qu ’ on associe donc naturellement à la pression de radiation .
La discussion s ’ enrichit évidemment si le champ est spatialement structuré comme c ’ est le cas d ’ un faisceau gaussien focalisé , au foyer duquel le gradient d ’ amplitude est maximal . On peut alors mettre en relation les termes ( 4 ) et ( 5 ) et obtenir pour un gradient d ’ amplitude suffisamment fort une force réactive qui domine sur la force dissipative . Dans cette situation , l ’ interaction entre le champ et le dipôle est globalement déterminée par le potentiel U = – ∈ 0 Re [ α ] ρ 2 / 4 : c ’ est la nature conservative de 〈 F r 〉. Pour peu que Re [ α ] > 0 , cette énergie d ’ interaction augmente en valeur absolue dans la région de forte intensité pour y maintenir , c ’ est-à-dire y piéger , le dipôle - comme décrit en Fig . 2 .
C ’ est en exploitant le caractère conservatif de cette force réactive et sur ce principe qu ’ Arthur Ashkin le premier manipule et immobilise de petites sphères diélectriques dès les années 1970 . Ces travaux – qui lui vaudront le prix Nobel en 2018 - ont forgé de nombreux outils , comme les pinces optiques , et ont jeté les bases de développements très importants
Figure 2 . a ) Pour un champ gaussien polarisé linéairement et un dipôle décrit par une polarisabilité complexe ( représenté ici par une sphère de rayon inférieur à la longueur d ’ onde du champ optique ), la composante dissipative de la force optique F z D ∝ k z est une pression de radiation dirigée suivant la direction k z de propagation du faisceau . La composante réactive s ’ écrit – dans la limite des petits déplacements du dipôle vis-à-vis de l ’ axe optique - comme une force de rappel F x R = – κx avec une raideur effective κ = ∈ 0 Re [ α ]/ 2 Dans ce régime , le dipôle évolue dans un potentiel de piégeage harmonique U . b ) Une microsphère est piégée optiquement par un faisceau de Laguerre-Gauss de charge topologique et polarisé circulairement . Ce faisceau possède donc à la fois un moment angulaire orbital l et un moment de spin ( polarisation circulaire ) qui interagissent comme le montre l ’ alternance stochastique entre ( i ) une trajectoire de la microsphère orbitant autour de l ’ axe optique par l ’ action de la force azimutale liée au moment orbital et ( ii ) une rotation de la microsphère sur l ’ axe optique induite par le couple de torsion de spin ( 6 ). Diagramme et image tirés de [ 4 ]. associés par exemple au refroidissement et à la manipulation d ’ atomes par laser et plus récemment au contrôle de microsphères piégées dans leur état fondamental quantique de mouvement .
COUPLE DE TORSION OPTIQUE Le champ électromagnétique dans lequel est plongé le dipôle électrique P a également tendance à l ’ orienter sur la polarisation du champ électrique . Ce couple de torsion Γ = P × ε prend une forme très simple
Γ = ε 0 Im [ α ] Φ ( 6 )
où Φ = ε × ε . / ω mesure l ’ ellipticité de la polarisation qui est directement proportionnelle à la densité de moment angulaire de spin S du champ électrique . Défini sur la partie imaginaire de la polarisabilité , le couple de torsion manifeste un retard entre le champ et la réponse dipolaire , retard associé à l ’ énergie dissipée .
Certains champs optiques peuvent également impliquer des moments angulaires orbitaux comme les modes Laguerre-Gauss E ( r , θ , z ) = A ( r , z ) e ilθ e ikz dont la phase polaire définit un moment angulaire orbital l . Dans ce cas , le front d ’ onde du faisceau est en forme d ’ hélice : on parle de vortex optique de charge topologique l . De tels champs , par le gradient de cette phase – voir l ’ Eq . ( 5 ) - vont exercer sur le dipôle une force dissipative azimutale ∝l θ qui peut le faire orbiter autour de l ’ axe optique . Dans une telle configuration , le couplage dissipatif engageant Im [ α ] se partage entre un couple de torsion ( 6 ) faisant tourner le dipôle sur luimême avec une intensité proportionnelle à la densité de moment angulaire de spin et une force azimutale qui varie comme le moment angulaire orbital du champ . Pour un dipôle piégé au point focal de ce type de faisceau apparaissent alors des signatures de couplage et de conversion spin-orbite optomécaniques subtils . La Fig . 2 en donne un exemple .
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