EXPÉRIENCE MARQUANTE
Figure 2 . ( a ) Puce d ’ un laser à cascade quantique monté « tête en bas ». ( b ) Ruban laser en double tranchée , partiellement couvert d ’ une couche d ’ or électrolytique pour améliorer la dissipation thermique . ( c ) Schéma simplifié du potentiel électronique utilisé dans la région active d ’ un laser à cascade quantique , avec les niveaux électroniques principaux .
entre ce niveau et les phonons optiques ( voir fig . 2c ). Cette résonance nous a permis de réduire le temps de vie de l ’ état inférieur suffisamment pour obtenir l ’ inversion de population et donc le gain optique . La dernière étape fut la compréhension et le dessin du potentiel pour injecter les électrons par effet tunnel dans le niveau excité de la transition laser . Après ce dernier effort , tout s ’ est accéléré . Nous avons tout de suite observé l ’ électroluminescence et , quelques semaines plus tard , le premier laser que nous avons fabriqué a atteint le seuil : nous avons ainsi mesuré pour la première fois la lumière émise d ’ un laser à cascade quantique [ 2 ]. C ’ était le 14 janvier 1994 , un vendredi soir . La figure 2 montre une puce de laser à cascade quantique sur trois échelles de taille différentes . A la plus petite échelle ( Fig . 2c ), on voit le schéma typique du potentiel électronique , constitué de puits quantiques de semiconducteur couplés par effet tunnel et soumis à un potentiel électronique . Les électrons sont injectés dans la région active du laser , où le gain optique est obtenu grâce à la résonance phonon entre l ’ état fondamental de la transition laser et le niveau d ’ extraction . Le processus de « cascade » consiste à recycler les électrons extraits en les réinjectant dans la période suivante . La figure 2b montre le ruban , constituant le guide d ’ onde et contenant la région active . Le laser est ensuite monté « tête en bas » sur une embase ( Fig . 2a ), pour aider la dissipation thermique du composant et permettre ainsi un fonctionnement à température ambiante . Après la première démonstration du laser à cascade quantique , pendant quatre ans nous nous sommes focalisés à mieux comprendre la physique qui régit son fonctionnement et à améliorer ses performances . Nous étions pratiquement sans compétiteurs , car la complexité du dessin quantique pour obtenir du gain optique rendait difficile la reproduction rapide nos résultats . Au-delà des exploits scientifiques , un aspect inoubliable de ces années restera toujours pour moi l ’ excellente relation que Federico , Jérôme et moi avions développée . Il s ’ agissait d ’ une véritable synergie basée sur la confiance et le respect réciproque . Bien sûr , Jérôme et moi étions sous le leadership de Federico . Néanmoins , par le partage continu de ses visions illuminées et par son enthousiasme scientifique , il était toujours proche de nos efforts de jeunes chercheurs , au point que nous travaillions avec lui comme de paires : il était notre collègue privilégié plutôt que notre chef directeur . Nous étions une équipe de seulement trois chercheurs , et
travaillions en collaboration étroite avec le groupe de Al Cho qui faisait la croissance des cristaux semiconducteurs à puits quantiques . Une équipe minuscule par rapport aux standards actuels . Toutefois , la structure de Bell Labs était d ’ une efficacité redoutable et nous permettait d ’ avoir un rendement bien au-delà des limites thermodynamiques . Nous avions à notre disposition les ateliers de mécanique et d ’ électronique , une salle blanche pour la fabrication et une « stock-room » où nous pouvions emprunter toute sorte d ’ outillage et de composants électroniques . Les bouteilles d ’ hélium liquide étaient dans le sous-sol et il fallait faire juste une promenade de quelques minutes pour aller les chercher , sans devoir les payer ! Federico était chef de département et , pendant certaines périodes , il était occupé par le management ; Jérôme et moi , par contre , pouvions nous concentrer sur la recherche sans pratiquement aucune tache administrative . Une véritable immersion dans la science . À la fin de ces quelques années complètement dédiées à « l ’ enfance » du laser à cascade quantique , en 1997 , j ’ avais décidé de quitter le groupe de Capasso à Bell Laboratories pour poursuivre mes activités scientifiques en Europe . Jérôme Faist , d ’ une façon complétement indépendante , avait décidé de même . L ’ aventure continuait donc de l ’ autre côté de l ’ Atlantique . J ’ avais accepté une offre du Laboratoire Central de Recherche de Thomson-CSF , aujourd ’ hui THALES , afin de travailler sur le développement de lasers à cascade quantique dans des systèmes de matériaux différents de ceux que j ’ avais utilisés aux États-Unis . Il s ’ agissait d ’ un projet ambitieux , visant à démontrer la validité générale des concepts régissant le fonctionnement des lasers à cascade quantique . En effet , le gain optique de ce laser unipolaire peut être conçu indépendamment du système de matériaux semiconducteurs , à condition que celui-ci permette la croissance de puits quantiques à l ’ état de l ’ art . Le
32 www . photoniques . com I Photoniques 130